RENCONTRE DU JEUDI 14 JANVIER 2010
invité : M.Laurent BATSCH PRESIDENT DE L'UNIVERSITE PARIS- DAUPHINE

M LAURENT BATSCH est président de l'univeristé Paris Dauphine, établissement prestigieux s'il en est pour la qualité de formation des futurs managers et économistes.

Cette université a à la fois des liens avec le site de La Défense puisqu'elle installe une partie de ses activités dans les locaux du Pôle Léonard de Vinci. mais aussi avec la CFE-CGC, qui est présente dans son conseil d'administration et participe à des tables rondes avec les étudiants. Tout dernièrement, des professeurs de Dauphine ont réalisé une étude à la demande de notre confédération sur "le logement facteur d'éclatement des classes moyennes"

INTERVENTION DE M. LAURENT BATSCH


Les universités ont bien sûr les entreprises comme interlocuteurs, mais aussi les organisations syndicales, et pour une université qui forme des cadres comme Dauphine, la CFE-CGC est présente, ainsi que la CFDT au coté de la CGPME et du MEDEF.

L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR EN FRANCE :

Le cloisonnement université / grandes écoles :
Les élites françaises sont formées dans les grandes écoles.
Les " bons élèves " sont essentiellement dirigés vers les classes prépa et les grandes écoles.
La recherche est plutôt du domaine des universités.
Si l'on veut développer la recherche, un décloisonnement est indispensable, afin qu'elle puisse attirer ces " bons élèves ".

Les universités françaises doivent se moderniser, car elles sont dans une situation peu glorieuse.
Elles sont trop nombreuses (84 actuellement, non compris Dauphine), dont certaines de création récente. Va pour créer de nombreux premiers cycles, mais le second et le 3° cycle demandent un minimum de taille pour obtenir des formations et des recherches de qualité. De plus elles étaient gérées par une administration ministérielle tatillonne, et obligées de recruter sans discernement sur le seul critère de proximité de domicile.
Les classes prépa sont sélectives (75000 étudiants). De même les classes de Techniciens Supérieurs (200.000 étudiants).Les IUT également (110.000 étudiants). L'université censée préparer à des études longues accueille sans sélection.
Demandez aux lycéens la hiérarchie de leur choix, à part la médecine et le droit, ce sera en 1° les grandes écoles en second les IUT et en dernier la fac.
Faut-il ajouter un certain désintérêt historique des mondes politiques et économiques vis-à-vis des universités
Il faut toutefois noter que depuis quelques années, des évolutions très importantes ont eu lieu dans les universités, en particulier en Province, sans que cela ait été beaucoup médiatisé. Il faut aussi préciser qu'en 30 ans on est passé de 250.000 étudiants à 1.500.000.

La mondialisation :
Le classement de Shanghai est à l'origine d'une prise de conscience de la situation relative de l'université française par rapport aux autres à travers le monde et l'ouverture d'une véritable compétition internationale.
Il a mis en évidence plus un problème d'organisation qu'un problème de compétence de nos chercheurs.
Il y a un véritable marché mondial de l'éducation, tant pour les enseignants chercheurs que pour les étudiants. Les meilleurs enseignants chercheurs peuvent négocier et " se baladent ". De nombreux Français sont embauchés à grand prix aux USA. De même pour la Suisse ! Ils deviennent des globe-trotters de l'enseignement et de la recherche.
L'enseignant Français qui arrive avec son traitement de la fonction publique qui arrive à l'indice 540 à 45 ans peut il résister à des propositions de plus de 100.000$ !!!
Les étudiants (au moins ceux qui en ont les moyens), regardent aux aussi là où ils trouveront le meilleur. Même nos étudiants français vont regarder la capacité des établissements à attirer des enseignants internationaux, pour aller faire une dernière année à l'étranger.

LES REPONSES A APPORTER :

Il faut regrouper, mais pas n'importe comment.
La création des "PRES" (Pôles de Recherche de l'Enseignement Supérieur) devrait permettre aux universités, grandes écoles et organismes de recherche, de mettre en cohérence leurs différents dispositifs, de mutualiser leurs activités et leurs moyens pour proposer une offre de recherche et de formation plus cohérente, plus lisible et mieux adaptée aux besoins des territoires. Fin 2009, on compte quinze "PRES". On notera toutefois que si le système est plutôt bien engagé en province, le cas de Paris reste problématique.
Nota : voir le site :

http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid20724/les-poles-de-recherche-et-d-enseignement-superieur-pres.html

 

L'autonomie :
On passe du principe des directives venant du ministère à celui du projet défini par les intéressés et évalué par une instance indépendante. Il y a une responsabilisation directe de l'établissement, sous forme collective, ce qui correspond à une transformation culturelle difficile.
A quoi correspond cette autonomie : le ministère donne sa masse salariale à chaque établissement (L'Université fait les feuilles de paie des fonctionnaires enseignants). L'établissement a la possibilité de gérer ses ressources humaines avec les départs en retraite, dans le cadre de cette enveloppe. Il y a donc désormais une gestion des ressources humaines. Il pourrait aussi y avoir un processus à la France Télécom… En fait cette autonomie n'est qu'une déconcentration de gestion, mais qui peut permettre des politiques différentes de se mettre en place.

Les moyens :
La compétition mondiale fait qu'on arrive à une élévation hallucinante des coûts. Il y a donc un problème de financement que l'on ne peut résoudre qu'en additionnant les sources de financement : Etat, Collectivités publiques, Fondations, Entreprises et individus donateurs, mais aussi les droits d'inscription et la formation continue. *
On a fait faire une enquête d'insertion professionnelle par l'APEC montrant que les masters sortis de Dauphine en 2007 sont en 2009 à 43.000€ brut. Il ne serait pas injuste qu'ils financent une partie de leur formation au-delà des 400€ actuels. Ce serait un apport considérable pour l'établissement.
- La dotation de l'Etat est de 11 millions (hors traitement des fonctionnaires).
- La formation continue représente un C A de l'ordre de 8 millions d'€ avec une marge d'environ 25%.
Le budget propre de l'université : 30 millions dont seulement 40% viennent de subventions,
(Le traitement des fonctionnaires est de l'ordre de 40 millions)

* Nota : Si l'on peut envisager l'augmentation du coût de la formation pour les étudiants, ne serait il pas en parallèle utile d'envisager un crédit d'impôt pour compenser ces dépenses ?


QUESTIONS DES PARTICIPANTS

Q : l'autonomie ne risque-t-elle pas parfois d'aboutir à des discontinuités dans les projets de formation des établissements qui finalement risqueraient de nuire aux étudiants dans la reconnaissance de leurs diplômes par les entreprises qui voudraient les embaucher ?
R : En France on a peut être été un peu trop loin dans la spécialisation et l'adaptation spécifique aux métiers. Un cadre avec les périodes de stages, est immédiatement opérationnel à la sortie de son diplôme. Le risque est peut être un manque d'ouverture d'esprit qui peut devenir préjudiciable avec les années et l'évolution professionnelle.

Q : Avez-vous des formations sur le dialogue social et les risques psycho sociaux ?
R : on vient de créer un master (formation continue) de négociation sociale dans lequel on forme des DRH et des syndicalistes. Un autre tout récent sur les risques psycho sociaux, monté au départ avec l'ANACT avec Norbert Albert traite du sujet du stress au travail.

Q : Quels sont vos liens avec le CNAM ?
R : Dauphine n'est pas dans le même regroupement PRES que le CNAM, donc pas de relation institutionnelle, ce qui n'empêche pas de bonnes relations personnelles. Xavier Darcos avait lancé le projet visant d'une ENSIM (Ecole Normale Supérieure d'Ingénierie et de management) pour les bacs pro afin de les emmener au niveau master.

Q : Comment peut on concevoir la participation des entreprises au niveau de l'enseignement de Dauphine ?
R : Elles peuvent participer au financement de l'université à travers des dons, directs ou à travers notre fondation, elles peuvent aussi utiliser nos formations continues, l'apprentissage, mais également financer des chaires spécifiques. Nous avons actuellement 3 chaires financées par des entreprises, et un objectif de 8 d'ici la fin de l'année. (Par exemple management de la diversité, financée par 5 grandes entreprises à hauteur de 250.000€ par an pendant 4 ans). Pour la recherche, nous avons la formule de l'" executive doctorate in business administration " à l'attention de professionnels mais non destiné à l'ouverture vers une carrière universitaire, à la limite compatible avec une activité professionnelle.

Nota : Certaines grandes entreprises pratiquent la formule de " professeur associé " (il s'agit généralement comme c'est le cas à Dauphine d'arrangements de gré à gré). Comme militant syndical, on a la possibilité d'interventions auprès des étudiants en relation avec les enseignants qui en sont très demandeurs, mais aussi au niveau des CE pour inciter vos entreprises à affecter une partie de leur taxe d'apprentissage au bénéfice de cette université.

Q : Quels arguments pour orienter un bon élève après un bac S vers Dauphine plutôt que vers des classes prépa ?
R : nous recrutons comme les classes prépa sur une moyenne des notes de 1° et Terminale, et non pas sur les notes plus ou moins manipulées du bac. Mais il y a de plus en plus de concurrence et on élève la barre d'admission d'1/2 point tous les deux ans. Le nombre de places étant fixé, seuls les meilleurs pourront être admis, même si les autres avaient le niveau adéquat. Par contre, au moins en ce qui concerne les prépas commerciales, la sélection est aussi rigoureuse, et globalement, celui qui est accepté en prépa est pratiquement certain d'intégrer une école. Le choix entre une prépa et Dauphine incombe aussi à l'étudiant qui peur préférer une intégration directe à l'université à deux années de bachotage en prépa au lycée.
Dauphine a également un certain prestige, renforcé récemment par l'obtention en novembre dernier du label EQUIS (European Quality improvement system) (première université française à l'avoir obtenu).
L'obtention de ce label a été un travail de longue haleine qui a mobilisé 150 personnes pour tout l'ensemble de l'université. Il n'est pas question de rechercher d'autres accréditations. Ce label nous apporte non seulement une reconnaissance internationale, mais aussi un outil pour amener des améliorations et préparer la prochaine accréditation dans 3 ans.
Voir sur le sujet aux adresses ci après :
http://www.efmd.org/index.php/accreditation-/equis
http://www.dauphine.fr/fr/universite/accreditation-equis.html
http://www.cefi.org/GESTION/ET_GEST/EQUIS.HTM

Q : Comment positionnez vous vis-à-vis de la décision d'intégrer au moins 30% d'étudiants boursiers dans les établissements supérieurs ?
R : Il ne faudrait pas que l'on aboutisse à la stigmatisation de ceux qui sont rentrés au titre de la " discrimination positive ". Mais un certain volontarisme intelligent est nécessaire. Il faut une voie spéciale d'entrée pour des gens qui ont le niveau, et qui sortiront avec le niveau. S'il a été envisagé l'augmentation des droits d'entrée à Dauphine, le nombre de boursiers (actuellement 13%) le sera également.

Q : Comment peu t on comprendre l'allergie du corps enseignant chercheurs à toute proposition de réforme ?
R : Il y a deux facteurs à prendre en compte :
Le premier est le revenu : lorsque l'on paie quelqu'un comme un prolétaire (ou même s'il le considère comme tel), il n'y a pas à s'étonner qu'il ait un comportement correspondant. Un maitre de conférences débute à 1700€ par mois... Sortant de sa période de thèse, le maitre de conférences n'est en fait jamais entré véritablement dans la vie active. Le cas est quelque peu différent pour les jeunes femmes dont le conjoint n'est pas enseignant, ce qui leur donne une vision de la société et un statut social différents.
Le second facteur dans la crise de l'an dernier a été la crainte que la gestion des carrières des chercheurs soit transférée aux chefs d'établissement, et ce quel que soient les opinions politiques (de Censier à Assas). Tous considèrent qu'ils tiennent de l'Etat une fonction quasi régalienne, telle une sorte de profession libérale d'Etat.

Q : Quid du problème des séniors et des règles administratives de départ en retraite ?
R : Le sujet mériterait qu'il y ait une mission de réflexion spécifique. J'ai eu récemment l'occasion de pouvoir retenir plusieurs enseignants et cadres administratifs qui devaient partir en retraite compte tenu des règles de l'administration, et s'ils ne peuvent plus enseigner, ils travaillent sous d'autres formes pour l'université (Ouverture de la filiale de Tunis, mise en place d'un nouveau certificat, réagencement des locaux etc…)
L'université manque de compétences d'encadrement. De nombreux cadres d'entreprises qui voient leur progression professionnelle bloquée malgré leurs compétences, pourraient trouver un nouveau projet professionnel et retrouver dans le cadre de l'université une seconde carrière professionnelle. Un cadre juridique serait à imaginer, par exemple en partageant les coûts avec l'entreprise. Une mission d'aide de la fonction publique travaille sur le sujet, en particulier pour résoudre les sureffectifs de France Télécom.
Nota : Une tentative de mettre en place la retraite progressive avait été faite il y a quelques années, mais qui s'est soldée par un échec compte tenu des contraintes administratives inacceptables pour les entreprises.

Q : Quel intérêt pour Dauphine de s'installer à La Défense ?
R : Cette localisation participe à l'amélioration de l'image de marque de Dauphine, dans le cadre du projet du "Grand Paris", au centre d'une place d'affaireinternationalement connue . Nous avons déjà installé depuis septembre dernier une douzaine de diplôme et 600 étudiants dans le Pôle Léonard de Vinci

HB