QUESTIONS DES PARTICIPANTS
Q :
Le pouvoir va de pair avec une " solitude " due à l'effet
de cour qui souvent empêche les vraies informations de remonter
jusqu'au chef. Le syndicalisme et le dialogue social ne peuvent-il pas
être un moyen pour palier à cet isolement ?
R : Je préside personnellement
le comité de groupe de Saint Gobain, dans lequel les discussions
peuvent amener des évolutions de décisions de la direction,
du fait d'informations qui n'étaient pas remontées autrement.
Les problèmes qui me remontent à l'occasion des comités
de groupe concernant des filiales, ne sont généralement
pas étrangers à d'autres problèmes qu'il faut traiter.
Il y a souvent une corrélation entre le dialogue social, l'ambiance
et la sécurité dans les usines, et les performances économiques.
Q :
Que pensez vous des cumuls au niveau des conseils d'administration et
des directions des grandes entreprises ? (Voir le problème posé
par la nomination de M Proglio à la tête de l'EDF)
R : Je suis aussi administrateur de
Veolia, et il est important que la succession de M Proglio (Il est Président
non exécutif de Veolia ; le pouvoir est juridiquement dans les
mains du directeur général) ne soit pas brutale. Pourra
t il continuer longtemps compte tenu de ses nouvelles charges à
EDF ?
Q :
Les délocalisations industrielles vers les pays à bas coût
de main d'uvre sont-elle inéluctables et une cause de la
décroissance de nos économies ?
R : A Saint Gobain, on ne délocalise
pas puisqu'on produit ce qui est vendu sur place. La croissance des pays
émergeants vient d'abord du fait que les habitants ont envie d'améliorer
leur niveau de vie en même temps qu'une démographie importante,
et dans le cas particulier de la Chine un taux de change anormal. Je pense
au contraire que ce sont les pays développés qui ont le
plus à craindre d'un arrêt de la mondialisation. Par contre,
l'existence d'une industrie forte est fondamentale, ne serait ce que parce-que
les services sont fondamentalement liés à l'industrie, d'où
l'importance de la R & D et de la formation.
Q :
Comment abordez vous la question de l'emploi des séniors à
Saint Gobain ?
R : Un accord global au niveau du
groupe a été signé l'an dernier dans le cadre de
la GPEC, qui se décline dans les filiales soit sous forme d'accord,
soit sous forme de plan d'action. Il faut tout de même voir qu'il
s'agit d'une sorte de schizophrénie, car pour l'entreprise, il
est important de conserver des compétences (on a connu des cas
où il a fallu faire revenir des retraités pour leurs compétences).
D'autre part, en cas de besoins de réduction d'effectifs, on observe
la demande de mesures d'âge de la part des partenaires sociaux,
et du côté des salariés, on peut rencontrer des volontaires
pour le départ, comme des volontaires pour continuer. Il ne peut
y avoir que des solutions sur mesure tout en préservant l'avenir
à moyen terme.
Q :
Que penser de la pratique de distribution d'actions gratuites pour les
salariés ?
R : Le CA a décidé cette
année la distribution de 7 actions gratuites à tous les
salariés dans l'ensemble du groupe. C'est un moyen de reconnaissance
vis-à-vis des salariés dans un moment difficile, mais aussi
un volet éducatif, et un moyen d'encourager l'actionnariat salarié.
L'actionnariat salarié représente actuellement un peu plus
de 7% et en France plus de 80% des 50000 salariés du groupe sont
actionnaires. L'idée est d'aller au-delà et de l'étendre
dans d'autres pays.
Q :
Comment appréhendez vous le fait syndical dans Saint Gobain ?
R : C'est un élément
majeur de la vie de l'entreprise, même s'il peut y avoir des difficultés
par moment. Savoir en faire quelque chose d'utile et d'important pour
progresser, même si ce peut être difficile, est une marque
importante de compétences de la part des dirigeants d'entreprises.
Mais cela dépend aussi des personnes concernées, tant dirigeants
que syndicalistes.
Q :
Comment sont considérés les cadres et leur évolution
ces derniers temps ?
R : Ce sont les salariés dont
la relation à l'entreprise a été le plus perturbée
ces 20 dernières années. Il en est résulté
une diminution de l'attachement à l'entreprise. On est dans un
monde dont l'évolution s'est accélérée, le
changement et la mobilité deviennent une nécessité
vitale, même si tous les secteurs n'ont pas la même vitesse
d'évolution.
Q :
Un cadre ayant des responsabilités dans une entreprise, à
qui l'on demande dévouement et résultats, pris à
plein temps par son travail, peut-il être aussi syndicaliste vis-à-vis
de sa direction ?
R : C'est une question difficile.
Les cadres qui accèdent à des fonctions syndicales importantes
ne peuvent pas faire leur travail de la même manière que
les autres.
Il est évident que lorsque l'activité syndicale dépasse
des horaires hebdomadaires, et qu'il faut faire le travail " normal
" dans l'entreprise, les limites physiques sont vite atteintes. L'accord
sur le droit syndical dans une entreprise permet un certain nombre de
choses au niveau des directions générales, mais son application
devient plus problématique au niveau des responsabilités
opérationnelles. (VOIR LE TEMOIGNAGE EN FIN DE C R)
Q :
Le plan de croissance européen mis en cours génère
t il de la croissance pour Saint Gobain ?
R : Oui, mais dans notre domaine de
la construction, le délai entre la décision et la mise en
uvre (surtout dans la sphère publique) est plus long. Par
exemple, la décision dans le cadre du " Grenelle de l'environnement
" de la rénovation énergétique des bâtiments
publics mettra entre un an à 2 ans avant la réalisation.
Q :
Est-il normal qu'un cadre dont l'activité professionnelle est appréciée
voit ses perspectives barrées du fait de son engagement syndical
?
R : Un engagement dans une activité
syndicale, associative ou élective est une preuve de qualités
personnelles. Le syndicalisme comme les activités associatives
ou électives peut développer des compétences très
utiles dans une entreprise, et elle a tout intérêt à
en tenir compte dans l'évolution professionnelle des intéressés.
Par contre, il faut admettre que la hiérarchie directe le comprend
plus difficilement. Le suivi du problème par les directions générales
est essentiel.
Q : Avez-vous
mis en place un tutorat de transfert de compétences par les seniors
pour les plus jeunes ?
R : Il faut aussi que les séniors
aient envie d'aider ceux qui doivent les remplacer et cela peut s'avérer
psychologiquement difficile.
Q :
Avez-vous pratiqué le changement de localisation dans le but d'économies
ou pour provoquer des départs de personnel ?
R : Nous n'en avons pas l'intention.
Toutefois, le problème pourrait se poser car notre bâtiment
de La Défense n'est plus aux normes, et il va falloir trouver une
solution.
Q :
Comment est répartie votre R & D dans votre groupe ?
R : Nous avons 4 centres de R &
D transversaux, et des centres des métiers. 40 à 50% de
la recherche est faite en France, ce qui est un pourcentage supérieur
à la part de la France dans le CA du groupe. La mesure de "
crédit d'impôts recherche " a été une
occasion pour relocaliser de la recherche. La nationalité d'une
entreprise se voit dans la localisation du siège social et de la
R & D. Pour le reste, on va là où sont les marchés.
Q :
Pourquoi dans notre négociation sur les séniors à
Saint Gobain, la direction n'a pas retenu notre proposition d'utiliser
le télétravail dans des cas de fin de carrière, et
pouvez vous envisager des formules pour alléger la tâche
de salariés dont la compétence pourrait encore être
utile à l'entreprise ?
R : Je suis ouvert à des formules
variées, et à la possibilité de pouvoir travailler
jusqu'à 65 ans.
Q :
Peut-on espérer revoir un administrateur salarié au CA du
groupe Saint Gobain, comme cela était le cas après la privatisation
?
R : Il y a un administrateur représentant
les actionnaires salariés mais aussi deux représentants
du CCE qui assistent à tous les conseils. Mais je ne serais pas
forcément contre. Par contre, je ne suis pas favorable à
la cogestion à l'allemande. Chacun son métier.
Q : Quels
sont les prochaines innovations que l'on peut attendre de Saint Gobain
dans les années prochaines ?
R : Il y a énormément
d'innovations dont la diffusion est proche. Dans la gamme des verres,
nous avons les verres passifs (isolants thermiques ou acoustiques par
exemple), mais aussi des vitrages actifs, tels que les verres à
opacité commandée, des vitrages électro chromes,
ou bientôt des panneaux de verres plans éclairants (OLED).
Nous préparons des panneaux capables d'absorber les composés
volatils.
Nous travaillons également sur les piles à combustibles
avec des matériaux céramiques pour l'habitat isolé.
Nous travaillons également sur l'énergie solaire, et nous
fournissons 20% des vitres de protection des panneaux avec des verres
à fort facteur de transmission. Nous venons de mettre en service
une usine en Allemagne qui fabrique un nouveau type de panneaux photovoltaïques
en couche mince sans silicium. Nous venons également de lancer
une activité d'installation de toits solaires " clefs en main
". Il faut noter toutefois qu'à ce jour, ce type de matériel
de production énergétique est encore tributaire des subventions
et des politiques des états en 2008, 50% des installations solaires
étaient installées en Allemagne, du fait de leur politique
de subvention, pour l'équipement et pour le rachat de l'électricité
produite). On peut espérer que ces procédés deviennent
économiquement rentables d'ici une dizaine d'années. Cette
activité sera probablement une des activités majeures de
Saint Gobain dans les années à venir.
TEMOIGNAGE
du délégué coordinateur CFE-CGC du groupe Saint Gobain
:
Syndicaliste chez Saint Gobain depuis 25 ans,
j'ai dû concilier cette activité avec mon activité
professionnelle, mais lorsque l'activité syndicale dépasse
les 80 heures par semaine et que l'on veuille aussi faire du travail "
professionnel ", on atteint vite les possibilités physiologiques
de l'individu. Il y a dans le groupe un accord sur le droit syndical qui
permet un dialogue social, mais plus on descend dans la hiérarchie
du groupe, plus la tache devient difficile, du fait des préoccupations
plus proches des exigences de la rentabilité que du dialogue social.
Le problème est au niveau de la reconnaissance de l'engagement
syndical qui prend non seulement du temps pour les discussions, mais également
l'acquisition d'une véritable culture juridique qui n'a fait que
s'amplifier avec l'évolution actuelle du droit du travail. Notre
rôle nous amène aussi parfois dans certaines entreprises
à devoir compléter la formation de jeunes RH frais émoulus
de l'université et bardés de diplômes, mais sans expérience
du terrain.
On se trouve également confronté maintenant à une
nouvelle génération de jeunes très ambitieux qui
n'ont pas forcément la culture industrielle du groupe, et ont parfois
des méthodes extrêmement brutales apprises dans les cours
de management privilégiant la rentabilité immédiate
à l'humain. Il en résulte un décalage entre les consignes
basées sur analyses de marché et " indicateurs "
simplistes et des décisions finalement contre productives des responsables
d'usines, contraints qu'ils sont de suivre les consignes qu'ils reçoivent.
On peut y voir une des causes de la démotivation des cadres âgés
qui ne comprennent plus le fonctionnement de leur entreprise. Et ce n'est
pas à Saint Gobain que l'on rencontre la pire des situations loin
s'en faut.
En ce qui concerne le problème des séniors, on est partagé
entre la problématique à court terme de faire partir les
plus anciens pour laisser la place à des jeunes qui seraient sans
emploi, et la GPEC qui doit mettre en place les moyens pour assurer la
formation et assurer la possibilité de maintien dans l'emploi le
plus longtemps possible.
HB
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