J'ai redressé des entreprises qui
perdaient 30% de leur chiffre d'affaires (au-delà, c'est plus difficile).
Pourquoi peut on les redresser : parce qu'on
n'a pas su libérer leur capital humain.
Toute entreprise qui a quelques années
d'existence est très solide. Mais le plus souvent, on n'utilise
que 20% du potentiel des gens.
Il faut savoir utiliser les compétences
et partager les résultats, et on peut redresser une
entreprise en moins de 2 ans.
Quelques exemples vécus:
GLAVERBEL (filiale
de DANONE ex BSN) :
18 usines, 8000 salariés, la mission qui m'avait été
donné était plus ou moins de la fermer. L'invention du "
float glass " par Picklington rendait les fours de verre à
vitre classiques obsolètes. On perdait 14% du CA et la productivité
était inférieure de 29% aux meilleurs de la profession.
Avec les méthodes de management américain, il aurait fallu
licencier 29% du personnel. Deux ans après, on avait retrouvé
les bénéfices, et ce sans licenciement secs.
Dans toute ma carrière, je n'aurai fait aucun licenciement sec.
Le licenciement sec est le résultat d'un
mauvais travail de la part de la direction d'une entreprise qui n'a pas
su anticiper, n'a pas pris les mesures nécessaires, parfois
n'a pas su convaincre les syndicats de les accompagner. Dans le cas de
la Belgique, rappelons que 90% des salariés y sont syndiqués.
On peut rêver
)
LE MANAGEMENT PAR OBJECTIFS ET LES
TABLEAUX DE BORD :
Dans des métiers à évolution lente, on composait
un tableau de bord avec 3 objectifs métier-client, 3 objectifs
humains, et 3 objectifs financiers, qui constituent les objectifs opérationnels.
Dans une industrie qui change rapidement, le long terme
n'est plus une addition de courts termes. Aux objectifs opérationnels
suivis mensuellement, on doit ajouter dans le tableau de bord 9 objectifs
stratégiques (vision à 5 ans) dont le suivi sera d'autant
plus fréquent que l'activité évolue rapidement (jusqu'à
l'examen hebdomadaire si nécessaire) et 3 objectifs immatériels.
A ce niveau, vous, syndicalistes et DS avez
votre mot à dire.
SAINT GOBAIN ESPAGNE :
Roger FAUROUX, alors PDG de Saint Gobain m'avait demandé d'étudier
les améliorations possibles de cette filiale qui faisait 80% des
parts du marché de ce pays et faisait encore des bénéfices.
Par prudence il ne fallait surtout pas changer le comité de direction,
constitué de barons.
J'ai donc identifié 12 jeunes de 30 ans, dont le DS espagnol, et
leur ai demandé d'identifier les problèmes.
Ils sont arrivés à la même conclusion que l'audit
de Mac Kinsey : que l'entreprise n'en avait plus que pour 10 ans et 3
mois de faire encore des bénéfices, et que sur les 17 usines,
il en suffisait de 14 au maximum.
J'ai annoncé au Comité exécutif la fermeture d'une
usine, en choisissant celle où le personnel était très
âgé, la moins productive et assez proche d'une autre usine
pour pouvoir y muter le personnel). Le Com Ex a considéré
ce projet comme étant absolument impossible.
Une règle de management universelle
: tant qu'on n'a pas essayé, on n'a pas le droit
de dire que c'est impossible.
LA FINANCIARISATION :
Aujourd'hui, l'entreprise est écartelée entre le capital
dont la toute puissance est amplifiée par la mondialisation.
Elle nous a poussée vers plus de compétitivité, mais
en privilégiant essentiellement le court
terme et l'intérêt de l'actionnaire.
Depuis un siècle on a vu tout d'abord la revanche du métier,
du savoir faire.
Est venue ensuite la revanche des " managers " qui ont pris
le pouvoir
On a vu ensuite la revanche du client.
Désormais, on est arrivé dans le monde entier à la
revanche de l'actionnaire, qu'il soit privé, ou public (comme en
Chine).
Il reste encore la revanche du personnel que l'on n'a pas encore connue.
Il faut réconcilier
le capital et le travail.
Les directions pour un très grand nombre se contentent
de parler des résultats financiers et de stratégie. Très
peu des clients, encore moins du métier (le plus souvent par manque
de compétence), mais jamais du personnel.
Il y a un écartèlement total entre les directions générales
et le personnel.
Il en résulte un désamour des salariés vis-à-vis
de leur entreprise et une méfiance vis-à-vis de leur direction
générale.
L'enquête récente parlant d'une augmentation
des grands patrons du CAC 40 de 40% ne fait qu'augmenter cette défiance.
(Toutefois, de telles augmentations semblent peu crédibles, et
il est probable qu'il y ait une erreur de méthode). Si c'est inexact,
une telle désinformation est criminelle. Mais si elle était
exacte, elle le serait tout autant. Une autre étude qui vient de
sortir montrerait que cette augmentation ne serait que de 6%. Ce taux
est quand même nettement supérieur aux augmentions négociées
dans ces mêmes entreprises.
Le MEDEF a d'ailleurs convoqué les responsables des deux études
afin d'en avoir plus d'explications.
RECONCILIER L'ENTREPRISE
:
(Voir le livre " L'entreprise réconciliée " de
J M Descarpentries et P. Korda Ed Albin Michel)
On ne doit plus faire de plan,
mais avoir des visions économiques et des visions humaines associées
La justice veut que les acteurs soient aussi bénéficiaires
des progrès dont ils sont les moteurs
Si on ne la fait pas par humanisme, il faut le faire par efficacité.
C'est un moteur essentiel de la motivation.
Il est ahurissant que cette évidence ne soit pas comprise par bien
des directions.
Choisir les priorités
Dans le plus d'avoir (emploi, rémunération
fixe, rémunération variable individuelle et surtout collective,
la participation et l'actionnariat.)
J'avais pour principe que chaque fois qu'il y avait un progrès
économique, je réservais
20% des bénéfices résultants pour l'équipe
qui l'avait réalisée.
Plus de bien être :
l'amour du métier, la fierté du travail, la solidarité,
le respect, le droit à l'erreur, le droit à l'insolence,
les conditions de travail, l'équilibre vie privée - vie
professionnelle
Je faisais faire une enquête tous les ans : " êtes
vous plus heureux maintenant qu'il y a un an ? ".
Elle était anonyme, seule l'équipe était mentionnée.
C'était un moyen fabuleux d'identifier les problèmes de
management, qui a permis d'anticiper des problèmes humains.
Le savoir :
Suppression des objectifs. Le management par objectifs, apparu il y a
30 ans a été un progrès par rapport au vide antérieur.
Le drame, c'est qu'aujourd'hui, il est devenu tellement sophistiqué
et complexe qu'il devient inutilisable comme instrument de direction.
J'ai donc remplacé les objectifs par le progrès, avec un
choix des priorités (3 priorités économiques, 3 priorités
clients, 3 priorités humaines dont en particulier plus de savoir).
La responsabilité sociétale
:
Il faut donner un sens à la vie du personnel et accorder vie professionnelle
et vie privée.
LES PROGRES HUMAINS ENRAINENT
LES PROGRES ECONOMIQUES
Dans une entreprise, s'il y a toujours un tableau de bord
financier, on voit plus rarement présenter un tableau de bord du
progrès humain.
Vous êtes en droit de l'exiger.
Tout doit être fait pour garder un gars bien tout comme un client.
Il faut assumer et savoir redonner sa chance.
LA PARTICIPATION :
Vous devez plus vous battre pour le dividende du travail, sur la participation,
sur l'intéressement ?
Dans le groupe De Wendel, chaque année, je demandais à Seillière
1% réservé à l'actionnariat des salariés.
La formule bureaucratique incompréhensible et inexplicable qui
régit actuellement la participation mériterait d'être
rendue simple et explicite.
J'avais donc régulièrement proposé que chaque année,
la participation soit un pourcentage du bénéfice net de
l'entreprise, et soit comparé au dividende.
Cette proposition, je l'ai présentée à des ministres
et des politiques en conseil supérieur de la participation.
En réponse, des ministres (de droite comme de gauche) m'ont répliqué
que les actionnaires avaient les dividendes, le personnel l'emploi et
le salaire, ce qui pour eux relève de l'équilibre normal
Le plus triste c'est qu'aucun des représentants syndicaux présents
n'ont trouvé anormale la réponse ministérielle.
En fait, le gain des actionnaires est surtout constitué par l'augmentation
de la valeur de leur action.
Le salarié a l'emploi et le salaire, l'actionnaire
l'augmentation de la valeur de son portefeuille. Ensuite vient le dividende
pour l'actionnaire, et la participation qui est le dividende du travail.
Dans les conseils d'administration où je siège,
je demande de détailler la répartition en 4 parts du bénéfice
avant impôt :
1°) L'impôt (33% en France,
25% pour la moyenne européenne)
2°) L'autofinancement de l'entreprise (qui
doit être de 100% pour les Start up)
3°) Le dividende des actionnaires
4°) Le dividende du travail. (Intéressement
+ participation)
Le dividende du travail doit être au niveau du dividende
des actionnaires. C'est le moyen de rétablir
la synergie " capital - travail ".
Il faut comme le proposait De Gaulle réconcilier
le capital et le travail.
On vient de fêter les 40 ans de la participation. 40 ans après
il y a 13 millions d'orphelins de l'intéressement et de la participation
(8 millions de salariés profitent de la participation dans les
plus grandes entreprises, 8 millions n'ont rien, et les 5 millions du
public n'y ont pas droit).
Ceux qui en profitent, c'est uniquement parce qu'il n'y a ni impôts
ni charges sociales.
C'est devenu ni plus ni moins qu'un salaire déguisé, et
de ce fait considéré comme un droit acquis
.
L'idée n'est plus dans l'air du temps et peu de
politiques y croient encore.
La participation et l'intéressement sont devenus
purement financiers, alors qu'il s'agissait aussi de participation aux
décisions à la fois sur le terrain et au conseil d'administration.
La loi demandant que des salariés siègent au conseil d'administration
dès lors qu'il y a au moins 3% de capital détenu par les
salariés a été votée depuis plus de 3 ans,
mais le décret n'est toujours pas paru
La raison : le MEDEF, s'appuyant sur
le lobbying de l'AFEP y est farouchement opposé.
Nota : pour en savoir plus sur ce très
discret et très puissant lobby, voir à l'adresse :
http://www.journaldunet.com/economie/enquete/afep/afep.shtml
C'est un sujet qui mériterait que vous le défendiez
beaucoup plus.
BONHEUR ET PROGRES :
" L'homme est un animal qui se rebelle contre la nature, indéfiniment
perfectible " (J J Rousseau)
Des psychologues et des sociologues américains
ont fait des expériences de mesure du bonheur des gens, et ont
montré le lien entre le bonheur et le progrès réalisé.
C'est en fait un moteur du progrès personnel. De plus, avec la
perception de progrès, le stress devient moindre, car accompagné
de satisfaction.
Pourquoi ne serait-ce pas le moteur du progrès de l'entreprise
?
Corrélativement, l'exigence envers soi sera d'autant plus grande
que la responsabilité et " les galons " seront plus importants.
Alors que j'étais militant à la SIP (Syndicat
des Industries du Pétrole - CGC) j'ai écrit en collaboration
avec Jean Louis Mandinaud et Gilbert Nasse, un opuscule intitulé
: " Devoirs et droits des cadres dans les entreprises multinationales
". On développait le principe qui doit prévaloir que
plus on a de droits plus on a de devoirs.
LA POLITIQUE QUE JE PRECONISE :
Elle comporte 4 niveaux :
- Le salaire fixe
- Le bonus collectif (20% des progrès
partagés dans l'équipe concernée)
- Le bonus éventuellement individuel
- La participation et l'actionnariat
L'actionnariat et la participation étaient additionnels et non
un salaire déguisé. Ce n'est pas un acquis, mais le fruit
des résultats obtenus par l'entreprise.
LA RESISTANCE AU CHANGEMENT
:
L'importance de la responsabilité sociétale
(qui ne remplace pas l'avoir, le bien être et le savoir)
En arrivant dans une entreprise, je pensais y trouver 20% de pionniers,
50% dans l'attente, et 20 à 30% qui s'opposent.
A Harvard, on vous explique qu'il faut s'appuyer sur les 20% de pionniers,
pour essayer de convaincre les 50% à rejoindre, et négliger
le reste.
J'ai fait ça pendant 30 ans.
Un proverbe mélanésien dit qu'il faut oser
être à la fois arbre et pirogue :
" Comme l'arbre rester enraciné dans sa culture ; et comme
pirogue, être obsédé par le mouvement ".
Mais cette résistance au changement vient en fait
de ceux qui sont fidèles aux valeurs du passé.
Ce n'est donc pas que négatif, mais il faut le dépasser.
J'ai découvert cela à la fin de Bull.
J'ai alors passé beaucoup de temps avec ceux qui résistaient
au changement et je faisais deux colonnes : l'une avec les valeurs positives,
et l'autre avec les valeurs négatives.
J'ai fait en sorte que les valeurs positives soient conservées.
Quant aux valeurs négatives, on les a ignorées et oubliées.
A mon arrivée chez Bull, je commençais par aller voir des
clients, tester les 50 salaires les plus élevés, et j'ai
demandé à des délégués syndicaux :
" à ma place qui mettrait tu dans mon équipe commando
? ".
L'un d'eux le désigne une personne alors que celle-ci était
particulièrement la cible de nombreux tracts de sa part. Il m'a
expliqué que c'était une personne efficace, et que j'avais
besoin de gens efficaces. Je l'ai effectivement choisi, et il n'y a plus
eu de tracts dès le lendemain.
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