LES
ECONOMIES D'ENERGIE ET LE BATIMENT
Les
media ont largement commenté ce qu'ils ont appelés le
" Grenelle de l'environnement ". Allusion évidente
et symbolique aux accords de Grenelle de 1968. Mais Grenelle a été
dans des temps plus anciens un autre symbole un peu oublié :
le lieu d'une bataille terrible pendant laquelle les troupes du gaulois
Camulogène ont été massacrées par les légions
romaines de Labiénus (c'était en 52 av J C).
Bon ou mauvais présage ; restons optimistes.
Lorsque
l'on parle de développement durable,
il faut savoir qu'il s'agit d'une traduction approximative de l'anglais
" sustainable development ".
Sa définition plus précise est
"un développement qui répond
aux besoins du présent sans compromettre les capacités
des générations futures à répondre à
leur propres besoins". En termes plus imagés
: " ne scions pas la branche sur laquelle nous sommes assis ".
Il repose sur trois piliers indissociables :
L'environnement,
L'économie
Le social.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce qui nous est présenté
par la production médiatique est souvent loin de tenir compte
de l'ensemble des 3 composants.
Un des pivots de
ce sujet reste celui de l'énergie.
Il est actuellement au cur des réflexions du C
A S (Centre d'Analyses Stratégiques, ex Commissariat
au Plan)
Nota
: voir le site du CAS à l'adresse :
http://www.strategie.gouv.fr
et la liste des documents publiés accessibles
du CAS à l'adresse :
http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/PublicationsCAS04-09-07.pdf
Le CAS a donc sorti
un épais rapport qui, s'il remet en place un certain nombre d'idées
reçues, ne donne pas dans ses conclusions, compte tenu de la
complexité du problème et de la diversité des hypothèses,
des idées bien précises sur les perspectives d'avenir.
Mais, dans les problèmes politiques comme dans le gouvernement
d'entreprise, on est souvent lié aux contingences matérielles
et budgétaires, avec une vision claire qui dans les meilleurs
cas dépasse rarement 18 mois. Difficile dans ce cas de concilier
avec un objectif de développement durable.
En ce qui concerne
l'énergie, et particulièrement la consommation d'énergie
en France, il faut savoir que le bâtiment
représente 46% de la consommation, toutes énergies confondues,
et 25% des émissions de CO², répartis 70% pour le
résidentiel et 30% pour le tertiaire.
STATISTIQUES
SUR LES LOGEMENTS EN FRANCE :
30 millions de logements en France répartis en 17 millions individuels
et 13 collectifs.
Un peu plus de 25 millions de résidences principales dont 14
de maisons individuelles et 11 d'appartements.
3 millions de résidences secondaires, 1,9 de maisons et 1,1 d'appartements.
Il y a aussi 1,9 million de logements vacants, qui ne consomment théoriquement
pas d'énergie.
Les constructions neuves s'élèvent en moyenne à
300 000 par an, et 400000 ces dernières années, et la
destruction d'anciens logements serait de l'ordre de 50000 par an.
L'AGE
DU PARC IMMOBILIER :
20% antérieurs à 1915
10% entre 1915 et 1949
34% entre 1949 et 1975
35% entre 1975 et 1982
Ceux construits
entre 1949 et 1975 sont les plus gros consommateurs d'énergie
compte tenu de leur mode de construction " économique "
et leur faible isolation. Les anciennes constructions traditionnelles
en pierre, briques, etc
étaient mieux isolées et
celles construites après 1975 devaient suivre des normes d'isolation
de plus en plus contraignantes et moins énergivores.
(Nota : Il faut y voir un effet bénéfique
de la première crise pétrolière).
Dans le même
temps, une des raisons de l'augmentation du nombre de logements est
la diminution du nombre moyen de personnes par ménage, avec l'augmentation
du nombre des divorces et des familles monoparentales, ce qui augmente
en conséquence le nombre de m² par personne.
LE
TERTIAIRE :
Les 30 millions de logements représentent 2,7 milliards de m²,
soit 70 m² en moyenne, le tertiaire représente 840 millions
de m².
La consommation est en moyenne de 210 KWh par an, contre 210 pour le
logement. On y rencontre une bien plus grande diversité. Du petit
commerce de l'épicier, au supermarché et aux IGH de bureaux,
il y a peu de points communs. Le problème, c'est que pour la
plupart, ces locaux sont en location, et que le montant des loyers,
charges comprises ou non est hors de proportion avec le coût de
l'énergie dépensée, ce qui n'incite pas toujours,
ni aux économies d'énergie, ni à la modernisation
des locaux.
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QUESTIONS
DES PARTICIPANTS
Q
:
Au
delà du rendement thermique des immeubles, n'y a-t-il pas des gaspillages
inutiles, comme par exemple l'éclairage des tours de nuit à
la Défense?
R :
Il peut exister
aussi des obligations contractuelles. De plus, dans certaines tours, seuls
les luminaires près des fenêtres peuvent rester allumés,
les autres étant éteints.
Q
:
Ne
peut-on pas diminuer les consommations actuelles dans les bâtiments
?
R :
Les constructions
actuelles sont beaucoup plus performantes que les anciennes, du fait de
l'application des nouvelles réglementations. On peut effectivement
améliorer de manière importante les bâtiments anciens,
sachant toutefois que les bâtiments antérieurs à 1949
sont nettement moins énergivores que ceux construits entre 1949
et 1975. Actuellement, on estime qu'en 2050, 40% du parc bâtit sera
encore antérieur à 1975.
On sait qu'il est nécessaire de faire d'importantes incitations
pour l'amélioration des bâtiments en vue d'économiser
l'énergie. L'augmentation des prix du pétrole ne fait qu'accroitre
cette nécessité.
Qui dit améliorations dit travaux coûteux. Si un propriétaire
occupant sera incité à les engager, un propriétaire
bailleur le sera beaucoup moins, du fait que c'est le locataire qui paie
les charges, et qu'il peut être très difficile pour lui de
rentabiliser son investissement.
Si pour les parcs immobiliers HLM, la vue à long terme de ces organismes
les incite à moderniser leur parc, ce n'est pas forcément
le cas pour les autres sociétés d'investissement immobilier.
Nota : on a vu ces dernières années
d'importants pans de l'immobilier propriété d'investisseurs
institutionnels revendus à des investisseurs étrangers par
immeubles entiers, qu'ils se sont empressés de revendre à
des particuliers avec une forte plus value, en ne faisant que le minimum
d'aménagement et laissant aux nouveaux propriétaires l'ensemble
des problèmes à régler dont ceux de l'isolation et
des installations à moderniser.
Q
:
A
t on une idée des dépenses pour les travaux d'amélioration
des bâtiments ?
R :
On
peut les estimer à environ 55 milliards d'€. Les 2/3 sont
réalisés par des entreprises, le reste est effectué
par le " bricolage " soit le " travail au noir ".
Q
:
Les
techniques de construction ont beaucoup évolué.
R :
Après
la construction traditionnelle et les structures " économiques
" de l'après guerre, le mur de la maison d'aujourd'hui est
fait de parpaings de 15 cm doublé à l'intérieur de
10 cm de laine de verre et d'une plaque de placoplatre. Il y a aussi l'isolation
du toit et celle des fenêtres avec les doubles vitrages, mais également
l'isolation par rapport au sol. Si ces techniques sont largement connues,
certaines d'entre elles exigent un savoir faire que même des professionnels
ont parfois de la peine à suivre.
Q
:
Quid
de la mise aux normes actuelles d'une habitation ancienne ?
R :
La norme actuelle
de consommation énergétique pour une construction neuve
est de l'ordre de 100 KWh par m² et par an. Chacun pense en premier
lieu au remplacement des fenêtres par d'autres comportant des doubles
vitrages. Il y a aussi les murs. L'isolation par l'extérieur n'est
pas impossible, mais complexe. Par l'intérieur, avec des panneaux
isolants, il faut penser que cela risque d'amener à refaire tout
ou partie de l'installation électrique. Il y a ensuite les combles
ou le toit, et enfin le sol si par exemple il n'y a pas de sous-sol. (Le
calcul du coût pour amener un pavillon de 120m² aux normes
actuelles a été estimé à environ 77000€,
en Allemagne, et devraient être légèrement inférieur
en France).
Q
:
Qu'en
est il de la réglementation ?
R :
Des normes d'isolation
des bâtiments sont apparues dans les années 70 avec la première
crise pétrolière, mais actuellement, les bâtiments
neufs doivent suivre des règles de plus en plus strictes, du fait
de directives européennes qui visent à faire diminuer progressivement
la consommation par m². Comme d'habitude en France, cela se traduit
par des règles complexes et des calculs compliqués, qui
deviennent difficilement accessibles pour un artisan, et encore moins
pour les " bricoleurs ".
Q
:
Comment
peut faire le citoyen qui désire améliorer le rendement
thermique de son logement ?
R :
Des études
de comportement ont été faites sur le sujet : Le premier
reflexe est le plus souvent de rechercher un artisan local, ou de demander
conseil à des amis, ou faire appel aux pages jaunes. Ils peuvent
aller se renseigner dans les grandes surfaces de bricolage (Leroy Merlin,
Castorama etc
) où ils trouveront des fiches pratiques, des
livres, et des conseils auprès de vendeurs pas toujours très
compétents. Il y a bien sûr la jungle d'Internet, et les
fournisseurs d'énergie que sont EDF et GDF, et finalement l'ADEME
(Agence de l'environnement et de la maitrise de l'énergie), établissement
public créé par le pouvoir politique théoriquement
destiné à diffuser les informations sur le sujet, qui possède
plusieurs sites d'information, mais dont le succès est loin de
ce qu'il devrait être.
Q
:
Qu'est
il prévu pour la formation des artisans ?
R :
La CAPEB (Confédération
des petites entreprises du bâtiment) est consciente du rôle
des artisans et de la nécessité de leur formation, d'autant
plus qu'ils sont chacun très spécialisé, et qu'il
leur est difficile de répondre individuellement à des offres
qui regroupent des techniques diverses. Mais le CAPEB ne représente
pas la totalité des entreprises concernées, et améliorer
la formation dans plus de 300.000 entreprises, et plus de 1,5 millions
de personnes est un projet de longue haleine, qui devra s'étaler
sur une quinzaine d'années. Il existe toutefois un passage obligé
de toutes ces entreprises qui peut permettre de faire passer le message
: le négoce des matériaux, qui non seulement touchent toute
la profession, mais ont aussi tout intérêt à diffuser
les informations et les formations sur la maitrise de l'énergie.
Q
:
On
peut aussi se demander si un des objectifs non avoués de la complexité
des réglementations ne serait pas aussi d'obliger à passer
par des organismes qui en vivent, ou de complexifier la vie des plus petites
entreprises en vue de les faire disparaitre ?
R :
Il y a surtout
un phénomène culturel qui veut que changer les habitudes
demande du temps. On a l'exemple de la prise de conscience de la sécurité
dans le bâtiment. C'était le secteur où il y avait
le plus d'accident du travail. Il y a trente ans, celui qui travaillait
en hauteur en utilisant une sécurité contre les chutes était
traité de femmelette par ses collègues. Il a fallu 15 ans
de patience, de stages, d'information et de formation pour que la prise
en compte du facteur sécurité devienne naturelle et culturelle.
Q
:
Les
économies d'énergies dans le bâtiment ne sont pas
que le fait de l'isolation et l'utilisation de chaudières à
condensation. Il y a aussi l'utilisation des énergies dites "
renouvelables ", telles que l'éolien, le géothermique
et le solaire.
R :
L'utilisation
de l'énergie solaire pour réchauffer de l'eau est effectivement
une solution qui peut s'avérer rentable, même dans le nord
de la France, et de ce point de vue, l'Allemagne est en avance dans ce
domaine (nota : c'est pour cette raison également que le matériel
pour installer un chauffe eau solaire est encore cher en France, plus
qu'en Allemagne). Mais il faut que l'installation soit faite suivant les
règles de l'art si on veut que l'installation ait une longévité
suffisante. Les capteurs photovoltaïques sont également une
solution, mais l'installation est très onéreuse (les prix
auront tendance à baisser avec l'arrivée de nouvelles technologies),
et demande un entretien non négligeable. De plus comme le stockage
de l'énergie n'est pas une chose aisée (les batteries sont
chères), les surplus de production lorsqu'il y en a, doivent être
cédés à EDF à des tarifs dérisoires.
De plus ces systèmes ne fonctionnent que de jour.
Les éoliennes peuvent être une solution, à condition
d'avoir obtenu l'autorisation de les installer, et sans parler des nuisances
sonores, faut il encore qu'il y ait du vent !
Il reste les pompes à chaleur, avec ses diverses déclinaisons,
soit en pompant la chaleur dans l'air extérieur (mais le coût
de l'installation et les problèmes d'entretien du matériel
rendent la rentabilité assez aléatoire dans ce cas de figure),
soit en récupérant de la chaleur emmagasinée dans
le sol, avec un échangeur enterré à plus d'un mètre
de profondeur dans un jardin, ou à partir d'eau puisée en
profondeur, mais le coût de l'installation est alors important.
Ces installations sont très onéreuses. Il existe des subventions
pour aider et inciter à les mettre en pratique.
(voir le site de l'ADEME : http://www.ademe.fr)
Nota
: On parle beaucoup du réchauffement climatique, sujet médiatique
s'il en est. Mais un des effets de celui-ci ne sera-t-il pas de diminuer
les besoins de chauffage donc de dépense d'énergie ?
Q
:
N'y
a-t-il pas des moyens plus industriels de stockage de l'énergie
électrique que les dispendieuses batteries ?
R :
Les batteries
modernes sont encore extrêmement onéreuses, et les batteries
au plomb ont le défaut de vieillir, de demander un entretien important,
et de contenir du plomb. Il y a en France plusieurs installations où
EDF stocke l'énergie produite en heure creuse en pompant de l'eau
d'une réserve inférieure dans un réservoir situé
plusieurs centaines de mètres au dessus, pour pouvoir l'utiliser
aux heures pleines. Cette solution a fait ses preuves depuis des années,
mais les sites sur lesquels une telle installation peut être réalisée
ne sont pas très nombreux;
Nota
: Les économies d'énergie ne doivent pas être
le seul fait d'installations moins énergivores mais aussi le fait
d'efforts pour moins consommer.
Une chose dont les media n'ont jamais parlé en France, c'est l'expérience
faite à Cuba qui m'a été rapportée par un
ami de retour d'un voyage là bas. L'énergie y était
rare du fait de l'embargo subi par ce pays. Il y a deux ou trois ans,
le gouvernement cubain a décidé de remplacer gratuitement
toutes les lampes d'éclairage à incandescence chez les particuliers
par des lampes fluo (celles que l'on trouve maintenant partout dans les
grandes surfaces et qui sont réputées économiser
80% d'énergie). Le résultat en a été parait
il considérable.
HB
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