RENCONTRE DU 5 AVRIL 2007
invité : M. PHILIPPE AUSSOURD
M PHILIPPE AUSSOURD est Ingénieur Général des Ponts et Chaussées et travaille au Ministère de l'Equipement après une longue carrière au ministère de l'industrie et à EDF.


J'ai commencé ma carrière au Ministère de l'Industrie où pendant huit ans, je me suis occupé des autorités nucléaires. Ensuite, j'ai été recruté par EDF qui m'a employé pendant 28 ans.
A 60 ans, j'ai quitté EDF et je me suis retrouvé au Ministère de l'équipement.
J'y travaille pour le Conseil Général des Ponts. C'est un organisme qui a pour vocation de faire l'inspection des services déconcentrés, et de répondre à toute demande d'expertise de quelque ministère que se soit.
Je suis chargé de toutes les questions d'énergie qui concernent à la fois le transport et le bâtiment.
Je travaille beaucoup sur le bâtiment, et en particulier actuellement, sur un plan de mobilisation des professionnels de l'ensemble du bâtiment.
Je suis venu vous parler de transport et d'environnement.


LES TRANSPORTS ET LEUR HISTOIRE :

Les transports de biens et de personnes sont liés au développement de toute activité humaine, depuis toujours.
Dans l'antiquité déjà l'étain était transporté par voie navale. Il fallait 30 jours à ces cargaisons, pour rallier Boulogne à Marseille.
A l'époque déjà on avait résolu le problème du retour à vide. Les Gaulois ont inventé le tonneau pour le transport du vin.
Sous l'ancien régime, en France, il y avait un système de transport en coche très important.
La France avait développé un système de " Poste- chevaux " qui a fonctionné jusqu'à l'arrivée du chemin de fer au 19ème siècle.
C'est dès 1876, que sont apparus les bateaux frigorifiques permettant le transport de la viande.
Enfin , dès la fin du 19ème, apparaît l'automobile.
Les infrastructures de transport et l'activité économique d'une région sont très fortement liées, qu'il s'agisse de transports terrestres, fluviaux, maritimes ou aériens.


LES TRANSPORTS ROUTIERS :

Ils font l'objet de nombreuses discussions en ce moment en France.

On a constaté que le volume des transports a toujours évolué proportionnellement au PIB.
Toutefois on constate aujourd'hui une petite inflexion peut-être liée au coût des carburants.

L'indice du trafic des voyageurs est passé de 350 à 900 entre 1970 et 2005, soit presque triplé en 30 ans. Pour les marchandises, on est passé de 150 à 260.

Quatre facteurs expliquent cette croissance :

- - L'ouverture des économies favorisant les échanges entre les pays,
- - La transformation des modes de vie. On se déplace beaucoup plus et à plus grande distance que par le passé,
- - Le développement des réseaux à grande vitesse,
- - Une énergie abondante et à bas prix.


TRANSPORTS ET POLLUTION :


Les conséquences de tout cela sont, d'une part une consommation d'énergie multipliée par 5 et une augmentation de 27% des émissions de gaz à effet de serre dues aux transports.
En matière d'environnement on regarde les effets des gaz à effet de serre qui serait une des cause du réchauffement climatique.

Un véhicule rejette du SO2, des oxydes d'azote, de l'ammoniaque, des acides, des composés organiques non métalliques, du CO2. On pense que les conséquences sont plutôt sur les personnes fragiles ou âgées, sans que l'on en ait vraiment la certitude. Cela présente de toute façon des dangers.
Des mesures ont donc été prises pour modifier les rejets de carburants depuis 1970.
Aujourd'hui, par exemple, on rejette beaucoup moins de SO2. (Résultat en particulier de meilleurs traitements des carburants)
Pour les oxydes d'azote, cela commence à diminuer grâce aux pots catalytiques.
Les particules rejetées ont aussi diminué grâce aux filtres à particules obligatoires maintenant sur les moteurs.

La combustion des hydrocarbures produit du gaz carbonique, l'un des plus importants gaz à effet de serre.
Des désordres climatiques seront inévitables dans moins de 100 ans, si l'on ne diminue pas les rejets de CO2.
L'Union, Européenne a pris des mesures auprès des constructeurs automobiles pour diminuer ces rejets (objectif de ne pas dépasser 140g/km parcouru pour les futurs véhicules).

Les moteurs ont beaucoup évolué. Le diesel par exemple pollue beaucoup moins.
Il y aussi d'autres types de véhicules. Le véhicule électrique toutefois ne correspondait pas au besoin des consommateurs (trop peu d'autonomie : environ 90 km).
Les japonais ont sorti un véhicule hybride. On espère qu'ils seront à terme rechargeables. Toutefois, attention à ne pas trop fragiliser les moteurs.
On travaille aussi sur la pile à combustible (issue de la recherche spatiale), mais sans grand succès pour le moment.

Aujourd'hui, on peut utiliser plusieurs sortes de combustibles. On envisage actuellement de se servir du charbon (pétrole synthétique).

Nota : des techniques de fabrication de carburants à partir du charbon ont été mises au point en Afrique du Sud (SASSOL) pendant le long embargo qui a frappé ce pays, et d'énormes usines y ont alors été construites. Mais le coût de fabrication de ce pétrole synthétique était très élevé par rapport au prix du brut de l'époque. De plus, si ce procédé devenait compétitif part rapport au pétrole naturel, et s'il devient une solution de rechange à la raréfaction programmée de l'extraction de pétrole brut, il ne résout pas le problème d'émission de gaz à effet de serre, car il utilise le charbon, combustible fossile au même titre que le pétrole, et sa fabrication même demande une dépense d'énergie importante.
Il est également sérieusement envisagé l'exploitation de sables et de schistes bitumineux. Cette exploitation n'était pas rentable jusqu'alors compte tenu des prix du brut, mais les techniques d'exploitation étaient déjà connues depuis longtemps, par exemple pendant la 2° guerre mondiale avec l'exploitation du gisement de schiste bitumineux près d'Autun)

QUESTIONS DES PARTICIPANTS

Q : Ne devrait-il pas y avoir un lien entre développement et transport ?
R :
Il devrait y avoir plus de concertation entre les bâtisseurs et les créateurs d'infrastructures. Il me semble que l'on polluait beaucoup plus dans les années 50 qu'aujourd'hui (Il n'y a plus de Smog à Londres).
Dans les approches d'avenir, on étudie effectivement aussi les façons de se servir des véhicules, les conditions d'exploitation, la vitesse autorisée et les problèmes d'urbanisme (regroupement des habitats, proximité des lieux de travail/habitation) …

Q : Le télétravail ne devrait-il pas être favorisé ?
R :
Un groupe de travail a été créé au Ministère (Prospective travail équipement). Nous avons évoqué à 2 reprises le télétravail sans tomber d'accord sur le développement du télétravail.
La question est donc toujours ouverte
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Q : On pose souvent le problème de l'imputabilité à chaque mode de transport, des coûts engendrés par ce mode.
Quels en sont les enseignements tirés ?
R :
Pour l'instant le rapport Beltoise propose de fixer le prix des péages en fonction du véhicule concerné.
Dans le cadre du plan Climat 2004-2006, une étude est en cours sur le transport de fret camion.
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Q : Chez IBM De plus en plus de salariés travaillent à domicile (avec l'arrivée de l'ADSL). Il me semble dommage de ne pas prendre plus en compte le télétravail?
R :
Beaucoup de gens raisonnent encore avec des vues stéréotypées sur le travail (travail de production à la chaine).
Il est entendu que les métiers du tertiaire peuvent être traités en télétravail.
Nota : déjà, dans les années 30/40, la philosophe Simone Weil avait entrevu une partie du problème avec le travail à domicile dans son livre " L'ENRACINEMENT ".
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Q : Pouvez vous nous éclairer sur l'aspect historique : qu'est ce qui était utilisé avant les voies romaines ?
R :
Avant les voies romaines, il y avait des routes en terre. Les romains ont simplement apporté les pavages.

Q : Quid des transports en commun parisiens ?
R :
Pour les transports en commun, il y a un vrai problème de coût. Il faut des décisions d'investissement, car équiper en transport en commun coûte très cher.
Le problème est surtout centré sur la 1ère couronne parisienne.
C'est un choix purement politiques sur le mode de financement des transports en commun.
Le transport en commun est un service qui coûte très cher.

Q : En 1950, il y avait des tramways dans de très nombreuses villes. Ils ont pratiquement tous été démontés pour faire place à des bus. Maintenant la mode du tramway revient et on en voit réinstaller un peu partout.
Est-ce seulement un effet de mode ?
R :
La décision de faire un tramway est toujours très mal accueillie, en particulier à cause de la gène engendrée par les travaux.
Par contre, une fois qu'il est construit, les usagers sont ravis. Mais je n'ai pas d'étude précise sur le sujet.

Q : La mode du diésel en France a des conséquences économiques : la production de gas-oil " naturel " à partir du brut importé en France est devenue insuffisante, et une partie de celui-ci doit être " synthétisé " par des opérations qui le rendent plus coûteux. Ou importé de l'étranger ?
R :
Effectivement, le complément de gasoil est importé de Russie.
Par contre, les volumes d'essence en supplément sont exportés vers les USA.

HB