RENCONTRE DU 14 DECEMBRE 2006
invité : M. BENOIT JOLIVET.

A sa sortie de l'Ena en 1970, Benoit Jolivet entre au ministère des finances (direction du trésor puis conseiller technique auprès du ministère des finances) pour passer ensuite aux assurances où il dirigera entre autre la branche internationale de l'UAP, et revenir à Bercy où il dirigera la CADES.
En 2000, il devient secrétaire général du conseil national du crédit.
En 2002, il devient médiateur après de la Fédération Bancaire Française.

INTERVENTION DE M. BENOIT JOLIVET

Aujourd'hui, il faut bien reconnaître que l'on trouve de la médiation partout (extra judiciaire, familiale, dans le domaine du travail …).
Mon domaine est celui de la médiation dans le domaine financier et bancaire en particulier.

La médiation : une vieille pratique qui était oubliée :
J'ai beaucoup voyagé en Afrique, où j'ai assisté à de nombreuses "palabres".
Tout d'abord, on s'assied sous l'arbre à palabre.
Tout le monde est présent, chacun s'exprime à son tour, il n'y a ni juge, ni magistrat.
Celui qui arrive commence par exposer son problème. On lui laisse le temps qu'il veut.
Ensuite, l'autre parle, puis chacun peut intervenir et discuter.
Au bout d'un moment, on se rend compte qu'il se passe quelque chose. C'est généralement à cet instant qu'interviennent les anciens du village.

On retrouve dans la Palabre une vraie dimension collective.
Peu à peu, les discutions avancent et enfin la solution se dégage. Ce qui est assez extraordinaire, c'est que bien souvent, tout le monde repart content.
On ne se sépare que lorsque chacun des 2 qui se disputent dit "Oui, c'est bien", "Oui, je suis d'accord".

J'ai découvert qu'à certains moments, l'intérêt du bon fonctionnement de la Société peut passer par d'autres manières de résoudre les conflits que des tribunaux, des juges ou des magistrats.
La médiation s'appelle d'ailleurs le " Mode de résolution extra-judicaire des conflits ".

La médiation dans le secteur bancaire :

Les relations Banque-Clients sont parfois orageuses. L'image collective de la Banque est tout à fait catastrophique.
Cela vient notamment du fait que les conflits ne sont pas traités.
Aujourd'hui, un client mécontent de son banquier ne peut se retourner que vers l'agence locale où il sera plus ou moins bien reçu. Il est vrai que la satisfaction du client passe souvent au second plan.
Très souvent, les petits litiges (entre 500 et 2000 €) ne sont pas bien traités. La solution d'aller devant le juge est démesurée, chère et chronophage. Donc le plus souvent le client abandonne.

L'idée qui s'est développée est que plutôt que d'aller vers des solutions judiciaires très lourdes (néanmoins toujours ouvertes), il faut faire intervenir un médiateur pour des petits conflits.
Cette idée se développe, mais n'est pas entièrement nouvelle. J'ai été longtemps chargé de la tutelle des assurances où j'ai réussi à convaincre les assureurs qu'il fallait développer la médiation. Cela y a donné des résultats plutôt intéressants.

Dans la Banque, cela n'a pas été comme cela, puisqu'un certain nombre de patrons de Banques y étaient totalement réfractaires. Ils ne souhaitaient pas qu'un tiers extérieur vienne régler leurs litiges avec leurs Clients.
C'est donc finalement le Législateur qui a imposé la médiation dans le secteur financier.
Aujourd'hui, chaque établissement de Crédit, doit avoir un Médiateur pour régler les petits et moyens conflits.

Tel qu'il est décrit par la loi, le Médiateur a plusieurs caractéristiques :

1. Il doit être indépendant
2. Il est lui-même contrôlé par le "Comité de la médiation Bancaire", présidé par le Gouverneur de la Banque de France, assisté de juristes, de consommateurs.

Comment arrive-t-on à une médiation ?

Il faut tout d'abord, qu'il y ait litige et que toutes les voies de recours internes aient été épuisées.
Le médiateur chargé du dossier va alors regarder le dossier sous 2 aspects :
- En droit, mais aussi dans les pratiques mises en œuvre par la Banque.
- Le Médiateur peut également se prononcer en "équité".

C'est une différence importante par rapport aux Tribunaux.
En effet, le Médiateur va rechercher une solution raisonnable.
Une solution équitable ne consiste pas à "couper la poire en 2", mais trouver une solution équilibrée et raisonnable pour tous.
Les parties ont ensuite la possibilité d'accepter ou de refuser la Médiation.
Dans beaucoup de cas, cela apporte une solution que les gens trouvent intéressante.
Pour le client, la Médiation est toujours et dans tous les cas gratuite.

La Médiation : un changement culturel

Derrière la Médiation, il ne faut pas oublier les problèmes culturels : la banque est devenue une industrie de services, fonctionnant avec des process industriels.
La médiation permet de remettre le client dans une configuration de sujet individuel. Il faut aujourd'hui mener une politique de la relation Banque-Client. C'est une idée nouvelle.
Des nouvelles entités spécialisées dans la relation banque-clients sont en train d'être créées dans les Banques (meilleure connaissance du client, historisation de son dossier …). Des nouvelles politiques de traitement des clients sont mises en place (gestes commerciaux …).
Il faut savoir qu'à la création de la Médiation, les organisations de consommateurs y étaient farouchement opposées, considérant qu'elles étaient déjà des médiateurs entre les banques et leurs clients. Aujourd'hui cela a changé, car se sont très souvent les associations de consommateurs qui envoient les dossiers de clients chez le Médiateur.

Champ d'action du Médiateur

La plupart des grandes Banques ont choisi d'avoir un Médiateur par réseau.
Cela n'est pas mon cas, puisque je suis auprès de la Fédération bancaire à laquelle un certain nombre de banques sont adhérentes à ce système de médiation.
Malheureusement, je considère aujourd'hui que le champ de la médiation légale est trop restreint. En effet, la loi dit que la Médiation s'applique essentiellement au fonctionnement du compte courant. Il me semble qu'il faudrait étendre au domaine du crédit, ou de l'épargne.
Très souvent, le médiateur doit donc se déclarer incompétent (lorsque la banque n'a pas choisi d'élargir son champ d'action).
Le devoir de conseil des banques dans le domaine de l'épargne devrait, à mon avis, intégrer le camp d'action du médiateur. C'est un sujet qui se pose aujourd'hui.
Dans les banques centralisées, la médiation fonctionne assez bien.
C'est plus difficile dans les banques mutualistes (du fait de leur forte régionalisation).
Même en cas de médiation, le recours au juge est toujours possible à tout moment.

QUESTIONS DES PARTICIPANTS

Q : L'objectif actuel des banques semble plutôt de fidéliser ses clients. La médiation n'est elle pas qu'un affichage des Banques afin de ne pas perdre des Clients ? Etes vous donc au service des Banques ou des consommateurs ?
R :
Les médiateurs sont indépendants, c'est-à-dire, qu'ils fonctionnent dans le cadre d'une profession libérale. Cela signifie qu'ils n'ont aucun lien de salariat avec la Banque. Par contre, en tant qu'indépendant, je suis payé par la Banque pour mes prestations. Je ne rends de compte à personne, si se n'est au Comité de la Médiation Bancaire auquel je fais un rapport annuel, qui est d'ailleurs public. A titre personnel, je travaille avec 140 banques.

Q : La Banque est tenue par la médiation ?
R : Aujourd'hui la réponse est non. La banque peut accepter ou refuser la médiation. Toutefois, quelques grandes banques ont par avance annoncé que quelles que soient les décisions prises par la médiation, elles les accepteraient.
J'ai proposé que si une banque refuse la médiation, elle doive alors motiver son refus. Depuis 4 ans, je n'ai eu que 4 refus de médiation. Les banques, en général, disent oui, les enjeux financiers n'étant pas colossaux.

(Voir : http://mediation.over-blog.net/archive-4-2006.html )

Q : Que peut-on faire lorsque les banquiers ne respectent pas leur devoir de conseil (question liée à un problème vécu avec l'épargne Banque Postale) ?
R :
Je suis absolument certain que le devoir de conseil est un sujet qui va se développer. La jurisprudence est très précise dans ce domaine pour les prêts bancaires. Par contre, sur le sujet du devoir de conseil en général, nous sommes encore très peu avancés. La législation bouge et l'AMF est en train de faire beaucoup de travaux sur ce sujet.

Q : Les problèmes rencontrés par les clients ne sont-ils pas dus à un manque de compétence ou de formation du personnel bancaire ?
R : Il y a effectivement un problème de formation dans la profession bancaire. IL y a aussi un problème lié à l'omnipotence du marketing. La politique de marketing n'est pas toujours en accord avec le réalisable ou les besoins réels des clients. Par ailleurs, une grande banque a souvent plus de cent produits à son catalogue. Comment voulez vous que les conseillers puissent connaitre l'ensemble de ces produits ? Cela va très certainement évoluer avec l'utilisation d'outils d'analyse et de diagnostic. Les réponses seront alors produites non pas par les conseillers, mais par des systèmes experts. La banque commence par ailleurs, à mettre en place des " codes de bonne conduite "qui prennent le relai de la loi. A ce sujet, il faut rappeler que les nouvelles règlementations bancaires sont très souvent aujourd'hui d'origine européenne.

Q : La mobilité du personnel bancaire n'est elle pas un handicap ?
R :
C'est effectivement une pratique de plus en plus répandue, dont l'excès pourrait aller à l'encontre des relations de confiance qui pourraient se créer entre le client et la banque.

Q : Recevez-vous personnellement les gens concernés par une médiation ?
R :
Mme Scrivener (médiateur de la Société Générale), m'avait conseillé, au démarrage de mon activité de ne pas recevoir les gens. Cela permet d'aller mieux dans le détail des litiges. Par contre, je peux demander des éléments, aux clients et aux banques. Ils doivent alors me répondre. Je peux aussi me faire aider par des experts de mon choix, sur des domaines spécialisés. Il ne m'arrive donc que très exceptionnellement de recevoir des gens.

Q : A la section d l'ORGECO de Courbevoie, en 5 ans, un seul dossier a été réglé par le médiateur du Crédit Lyonnais. Les autres ont tous fini à la Banque de France. Vous est-il possible d'intervenir dans ces cas ?
R : Vous pouvez me contacter et je suis à votre disposition pour en rediscuter. Les banques, si elles ont communiqué sur les possibilités de médiation quand la loi est passée, n'ont pas suffisamment rappelé cette possibilité les années suivantes.

Remarque d'un salarié de LCL : Chez LCL, les petits litiges se traitent généralement à l'avantage du client. En effet, les directeurs d'agence ont des budgets dédiés au règlement des petits litiges. Ils utilisent ces budgets car cela simplifie les procédures administratives.
Si le client n'est pas d'accord avec la proposition de dédommagement, il écrit alors au service clientèle qui a tendance à donner crédit au client.

Q : A la CFE-CGC, le PERP est considéré généralement avec beaucoup de méfiance, compte tenu de toutes les incertitudes quant à sa mise en place et son fonctionnement. Qu'en pensez-vous ?
R :
Je fais très attention à ce que le PERP soit vendu de manière très appropriée.

Q : Qu'est ce qui prévaut, dans le cadre de la remise d'un dossier : surendettement ou faillite personnelle ?
R :
Aujourd'hui, les banques commencent à réaliser qu'il est pour elles indispensable de bien traiter les réclamations des clients (effet d'image, démarche qualité, développement durable en termes de ratings sociaux).

Q : Qui remplit les dossiers sur lesquels vous travaillez et est ce que vous rencontrez les clients finaux ?
R : La loi oblige les banques à mettre sur les relevés envoyés aux clients les coordonnées du médiateur. Par ailleurs, je reçois moi-même, sans aucun intermédiaire tout le courrier qui m'est envoyé. La difficulté est que les banques devraient expliquer à leurs clients ce qu'est la médiation et comment cela fonctionne.
Les dossiers viennent des clients directement. Ce sont donc les clients qui m'écrivent directement. La conséquence évidente est que dans le courrier que nous recevons, on retrouve des gens de bonne foi, mais aussi certains de mauvaise foi, des " graphomanes "…

Q : Vous étiez ce matin en réunion avec le médiateur de la république sur le dossier du surendettement. Pouvez-vous nous en parler ?
R :
La France a mis en place un système de rééchelonnement des dettes dans le cadre de la loi Scrivener (1989).Aujourd'hui, le surendettement est à la frontière du domaine social. Sociologiquement, les catégories les plus touchées aujourd'hui par le surendettement sont les catégories ouvrières et les familles monoparentales. La commission arrive à trouver des solutions raisonnables. Toutefois, le problème est de redonner de la solvabilité à ces populations. Le problème est que le surendettement est rattaché à la Banque de France, qui ne communique pas avec les Affaires Sociales qui s'emploient de leur coté à la re-solvabilisation des personnes.

Q : Vous avez été Président de l'UAP International, à votre avis, dans les réunions avec les syndicats, où se trouvent les médiations ?
R :
Cette fonction m'a amené à présider un CE durant 5 ans. C'est probablement l'endroit où j'ai le plus appris !


A VOIR SUR LE WEB :

Page concernant le rapport de Benoit Jolivet sur le surendettement des ménages :
http://www.banque-france.fr/ccsf/fr/avant_ccsf/telechar/der_pub_cc_cnct/annexe1_rap_surendettement.pdf

Site de la fédération française des banques sur lequel on retrouve les rapports du médiateur :

http://www.fbf.fr
Cliquer sur " banques et particuliers "
Puis
" Relations banques - clients "

Et aussi :

http://mediation.over-blog.net/archive-4-2006.html

HB