Notre
cabinet intervient sur le segment du dirigeant, de l'expert, du spécialiste
du cadre sup, essentiellement par approche directe. On fait aussi un
petit peu du recrutement par annonce, c'est 15-20% de notre activité
seulement.
On est organisés par secteur d'activité, chaque consultant
recouvrant un secteur d'activité spécifique : informatique,
technologies, industrie, banque, santé etc
L'HISTOIRE
DE LA PROFESSION :
On
est un jeune métier, mais on peut retrouver des références
historiques. La première mission de chasse de tête, remonte
probablement à Colbert qui a envoyé un agent à
Venise pour chercher les maîtres verriers, qui seront à
l'origine de la compagnie de Saint Gobain. Le principe est de rechercher
du savoir faire là où il était.
Le métier a démarré dans les années 40/50
quand les compagnies américaines ont voulu se développer
en Europe. Elles cherchaient des gens pour leurs filiales, et elles
en ont chargé des consultants de cabinets de conseil en management
(Booz Allen & Hamilton). Depuis, le métier de chasseur de
tête s'est créé.
En même temps, sont apparus des cabinets de sélection et
d'évaluation issus des recherches faites sur les tests d'évaluation
utilisés par l'armée américaine.
On avait donc, d'un coté les chasseurs de têtes qui chassaient
les dirigeants, de l'autre coté des cabinets d'évaluation
qui faisaient surtout les recrutements de jeunes. La profession s'est
développée dans les années 50 à 75.
Au début des années 80 du rapprochement des deux typologies
de cabinets avec d'un coté de chasseurs de tête qui sont
descendus vers le middle management et de l'autre coté, des "
cabinets d'annonce ", qui sont montés vers les dirigeants
et la chasse de têtes.
Croissance aidant, on est arrivé " dans les années
90 à un pic dans la profession. On y trouvait à la fois
de bons professionnels et d'autres dont on est moins fiers. C'est une
chose commune à toute profession naissante mais aussi une source
de critiques parfois justifiées.
La première crise arrive en 91 / 93, qui voit disparaître
la moitié des cabinets. On assiste à un regroupement progressif
de la profession pour aboutir à SYNTEC RECRUTEMENT dont j'ai
été élu président à partir de 1996
qui rassemble 150 adhérents qui représentent environ 50%
du chiffre d'affaires de la profession. Dans ces 150 adhérents,
une large majorité est constituée de structures de moins
de 10 personnes.
La profession s'est progressivement structurée, et a commencé
à être reconnue et respectée à partir des
années 92-93.
Depuis, notre profession a une identité, un savoir faire, une
valeur et donc une utilité par rapport au marché de l'emploi.
A
partir des années 95, on s'est organisé, pour faire ce
métier d'une manière de plus en plus professionnelle,
et tout d'abord en mettant les mêmes prestations en regard des
mêmes mots (un produit, cela se voit, un service cela se définit).
Nos pratiques ont été mieux définies et respectées
; une mise en commun de nos savoir-faire ont abouti à l'établissement
d'un référentiel du métier
Puis on s'est dit que ce n'était pas suffisant et pris conscience
que notre métier était un processus qui va de l'analyse
du besoin du client, jusqu'à l'intégration du candidat
recruté. Il en est résulté une norme construite
avec nos clients et l'AFNOR, sortie en 2000.
NOS
PRATIQUES :
On a deux clients
: celui qui paye (l'entreprise, qui est notre donneur d'ordre) et un
autre qui ne paye pas (le candidat) mais qui est un client au sens de
la qualité. La norme prévoit des engagements vis à
vis des deux.
Le cabinet qui souhaite se faire normaliser, subit un audit par l'AFNOR
et il est certifié par rapport à l'ensemble du processus
défini par nous et par nos clients. Cette norme représente
aujourd'hui le cur des savoirs faire de nos cabinets et on peut
dire que c'est un dénominateur commun.
Notre processus
de recrutement normalisé se décompose en quatre parties
:
-
l'analyse des besoins.
C'est la partie la plus importante dont on peut dire que si elle est
mal faite, la mission n'ira jamais jusqu'au bout. On fait appel à
nous pour les cas compliqués, soit pour un poste avec un gros
enjeu (dirigeant), soit parce que c'est un poste difficile à
pourvoir (expert, spécialiste), soit parce qu'il y a beaucoup
de candidats. Elle doit être faite par le consultant qui doit
faire émerger le vrai besoin, discuter avec son client, comprendre
ses enjeux, son organisation définir le poste à pourvoir
et enfin, le profil du candidat.
-
la phase d'identification. C'est la partie recherche qui
comprend l'identification des gens qu'on va approcher comme candidats
possibles. C'est un travail qui nécessite des savoirs faire proches
de l'intelligence économique. On va travailler avec des fichiers,
des annuaires, internet, le téléphone. Le but c'est d'identifier
monsieur ou madame untel qui est directeur commercial dans telle boite
si on recherche un directeur commercial. Après avoir identifié
de 20 à 350 personnes qui correspondraient à la cible
-
La période d'identification. Sur chaque mission, il
y a un binôme consultant - chargé de recherche. Ce dernier
chargé de faire l'identification sous le contrôle du consultant,
va faire l'approche des candidats potentiels. Ils seront démarchés
par téléphone. C'est un savoir faire bien spécifique
: il s'agit de donner envie de venir nous voir. C'est une présélection
téléphonique. On doit organiser un rendez vous qualifié
avec des gens qui correspondent au profil qu'on a défini préalablement.
-
La sélection-évaluation.
La personne va être rencontrée par un consultant qui travaille
en binôme avec le chargé de recherche. Il n'est pas forcement
candidat au moment où il arrive dans le bureau du consultant.
Il va parler de lui, de ce qu'il a fait, de son expérience. Le
consultant parlera de l'entreprise, du poste et verra avec le candidat,
s'il y a une adéquation possible. C'est le cur de notre
activité.
-
La phase décisionnelle.
Le consultant décide de présenter les candidats et de
les accompagner dans la phase finale de négociation avec l'entreprise
Il accompagne aussi le client dans sa prise de décision et son
rôle ne s'achève qu'à la confirmation de la période
d'essai. Il peut aussi intervenir en cas de problème comme par
exemple l'évolution de l'organisation et des besoins de l'entreprise
au cours du recrutement.
DISCRIMINATIONS
:
Depuis au moins
un an, il y a beaucoup de débats autour de la diversité
et de la discrimination. Nous nous sommes beaucoup engagés au
niveau syndical pour deux raisons, la première c'est qu'il y
a un enjeu sociétal important et notre image est en cause. Lorsque
la HALDE a été crée, environ 40 % de leurs dossier
étaient relatifs à l'emploi. Même si le gros des
recrutements sont faits par les entreprises, nous sommes en première
ligne pour les media.
Les débats actuels sur le sujet, contribuent à faire bouger
les choses et à faire en sorte que les entreprises raisonnent
plus sur les compétences, les données objectives, des
critères d'embauche que sur des critères de sexe, d'âge
ou d'origine ethnique.
Il reste toutefois
beaucoup de freins sur les critères d'âge, ne serait-ce
que parce que les critères liés à la pyramide des
âges du personnel de l'entreprise ne peuvent pas être négligés.
On se trouve alors dans une situation complètement schizophrénique
pour les DRH.
On rencontre, même aujourd'hui, des cas de " discriminations
positives ", avec la demande expresse de recruter des femmes. Ce
n'est pas toujours facile, ne serait ce que parfois, on ne trouve aucune
candidate pour le poste proposé et on peut être amené
à modifier le profil demandé.
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QUESTIONS
DES PARTICIPANTS
Q
:
A combien revient une opération de chasseur de têtes ?
R :
Une mission de
chasseur de têtes, c'est entre 25 et 33% du salaire brut annuel
de la personne qu'on recrute. La recherche tourne autour de 20 000€.
Q
:
Est-ce que vous intervenez sur le périmètre européen
ou est ce que vous n'intervenez que sur le périmètre français
?
R :
Nous intervenons sur le périmètre européen.
Q
:
Lorsque
vous recrutez un candidat pour un poste européen, est il informé
de toutes les conditions de son embauche, et en particulier sur les différences
qu'il va rencontrer à l'étranger sur la protection sociale
et la fiscalité qui l'attendent ?
R :
Vous avez cité le cas d'une très grande
entreprise dans laquelle les cadres envoyés à l'expatriation
sont amenés à découvrir par eux-mêmes les joies
et les inconvénients qu'ils vont rencontrer dans leur nouveau pays
d'accueil, par exemple l'absence de retraite complémentaire, une
assurance maladie réduite, des congés maternité aléatoires
Je vous garantis que pour le service qui a été créé,
je ne donne pas cinq ans pour qu'il y ait encore un cadre recruté
comme cela qui soit encore dans l'entreprise.
Chez nous, on recrute surtout des " locaux ". Mais dans le cas
d'embauche pour l'expatriation, nous sommes très vigilants sur
les conditions offertes, et c'est aussi notre intérêt de
ne pas mettre sur pied un marché de dupes, qui risquerait finalement
qu'à risquer l'échec de notre mission. S'il y a des différences
entre les pays, il y a des plus et des moins, et il faut que l'un compense
l'autre de manière équitable et en toute connaissance de
cause par l'intéressé..
Q
:
Avez-vous participé à un échange des bonnes pratiques
au niveau européen en tant que représentant de cette profession?
R :
On a crée il y a deux ans une confédération
européenne avec les organisations des différents pays européens.
On s'est vu trois ou quatre fois, on les a invités à notre
congrès annuel cette année.
Q
:
Avez-vous rencontré des différences de pratiques dues aux
différences culturelles ?
R :
Il y a une grande
similitude, notamment en matière de code de déontologie.
Il y a très peu de différences entre les chasseurs de tête
d'un pays à l'autre en Europe.
Aux USA, la pratique diffère quelque peu. Plusieurs cabinets peuvent
être chargés d'une même mission. Ils sont payés
quand le candidat est embauché, et c'est le premier arrivé
qui gagne. Cette pratique peut conduire à des dérives. Nous
préférons signer des contrats exclusifs avec obligation
de moyens, pas de résultat.
L'organisation européenne du conseil en recrutement est en train
de naitre et plus cela ira, plus on aura d'échanges avec les consultants
des autres pays.
Q
:
Quels sont les critères utilisés ?
R :
Dans certains pays, l'âge est plus valorisé que dans d'autres.
Au Japon par exemple, plus on est vieux, plus on est compétent.
Au point d'ailleurs que c'est difficile pour les jeunes d'arriver à
percer. Mais au delà des compétences métier, les
critères de personnalités sont les mêmes et cela transcende
les pays.
En France, il y a quand même plus de critères basés
sur les diplômes et la formation. Aux Etats Unis, on valorise plus
l'expérience et l'autodidacte. En France, les lobbies des anciens
élèves de grandes écoles sont encore très
influents, mais petit à petit, deviennent moins exclusifs, et on
tend à élargir les recrutements vers les formations universitaires.
Nota : Il est aussi vrai que si en 1968 un recteur expliquait que la faculté
n'était pas faite pour apprendre un métier mais pour acquérir
une formation générale, les temps ont bien changé
et d'excellentes formations y sont maintenant dispensées.
Q
:
Il est habituel de voir des anciens fonctionnaires, énarques par
exemple à la tête des grandes entreprises françaises.
Les fonctionnaires font ils parti de vos cibles ?
R :
Très rarement.
Q
:
Les femmes sont majoritaires en nombre dans la société française
et à l'université, mais très rares dans les conseils
d'administration des entreprises ?
R :
Chez nous, on
est 50 dont 66% de femmes, dix nationalités. Cela donne une équipe
formidable qui s'enrichit mutuellement. Je crois beaucoup à la
diversité dans le recrutement.
Au niveau du recrutement, il y a un peu plus d'ouvertures qu'avant. Par
contre, l'arrivée des femmes dans les conseils d'administration,
cela dépend d'autre chose, la gestion de carrière. La pensée
dominante chez les DRH est actuellement un peu trop manichéenne.
Ceux qui gravissent sont ceux qui sont identifiés comme ayant de
hauts potentiels. Or cette identification se fait autour de 30 / 35 ans,
une période où les femmes s'investissent souvent moins dans
leur vie professionnelle en raison de leur famille et de leurs enfants.
Aujourd'hui, la femme qui sacrifie tout pour sa vie professionnelle réussit.
Mais celle qui veut maintenir un certain équilibre au début
de sa vie professionnelle est très pénalisée. Pour
moi, il faut plutôt raisonner par périodes successives et
permettre quand ses enfants ont grandi qu'une femme si elle est brillante
puisse accéder alors à des postes importants plus rapidement.
Q
:
Le fait de travailler uniquement sur le secteur des gens qui n'ont
pas de problème d'emploi n'est il pas un risque d'accentuer la
fracture sociale ?
R :
Le marché du reclassement de ceux qui cherchent un travail est
très différent de celui des entreprises qui ont des difficultés
à trouver le bon candidat pour assumer un poste. C'est une autre
problématique. On travaille sur la partie des gens difficiles à
trouver. On intervient sur la partie des gens qui n'ont pas de problème
pour trouver un job. Ce qui nous fait marcher, ce sont les créations
de poste et les mobilités volontaires.
Q
:
La graphologie est une activité, qui n'est guère utilisée
qu'en France. Est-ce un moyen sérieux de sélection ?
R :
La graphologie est un outil pertinent à condition
d'être utilisées par de bons. Elle n'a jamais pris au niveau
mondial pour des raisons culturelles. Elle n'a jamais pris aux Etats-Unis
car les Américains n'écrivent plus à la main depuis
plus longtemps que nous.
Aujourd'hui, c'est un outil obsolète, qui est de moins ne moins
utilisé parce que les groupes sont de plus en plus mondiaux et
que seule la France l'utilise. Ce n'est pas plus du charlatanisme que
les tests, mais Ce n'est pas une science exacte. La graphologie est malheureusement
presque morte parce qu'elle a été mal défendue par
ses organisations syndicales qui n'ont pas su résister aux pressions
internationales et des fabricants de tests.
Q
:
Vos recherches sont essentiellement ciblées sur les personnes d'expérience
ayant une activité en rapport avec le besoin de votre client. Comment
repérez-vous des personnes de grande expérience qui n'ont
plus d'activité en entreprise ?
R :
Ce sont le plus
souvent eux qui nous contactent. Il y a aussi ceux qu'on a déjà
identifiés et qui sont dans nos " bases candidat ".
Q
:
Comment détermine-t-on que quelqu'un a un haut potentiel
? Une fois choisi, il sera poussé, aidé à progresser
dans sa carrière et de ce fait, peut être empêché
de détecter une autre personne qui aurait été meilleure
à un autre moment.
R :
Vous avez raison. Par contre, je peux vos rassurer, aujourd'hui, l'évaluation
de hauts potentiels se fait principalement sur des comportements managériaux.
Q
:
Dans nos entreprises, on voir encore beaucoup de " plans sociaux
" qui prévoient des licenciements des plus de 55 ou même
50 ans. Cette aberration peut elle continuer longtemps ?
R :
On s'est trop longtemps voilé la face, et on
a assisté à un consensus de fait entre les patrons et les
délégations syndicales. Mais faire partir tout le monde
à 55 ans a fait qu'à 50, on est considéré
comme vieux. Chacun sait que l'espérance de vie qui était
de 65 ans quand l'âge de la retraite a été fixé
à 65 ans. Maintenant, l'espérance de vie est de l'ordre
de 80 ans et augmente régulièrement. Les directions ne peuvent
plus se permettre de mettre les plus de 50 ans dans un placard jusqu'à
65 ans, sinon on risque d'aboutir à une explosion sociale. Les
DRH et les partenaires sociaux en ont généralement pris
conscience, mais pas forcément les directions générales.
De toute façon demain, on est dans une situation, en Europe, il
y a un phénomène qui fait que malgré tout, on aura
une pénurie sur certaines catégories de personnel entre
25 et 50 ans. Ceux qui n'auront pas pris les mesures permettant d'optimiser
la gestion des carrières et de faire rentrer du sang neuf et géré
plus intelligemment les compétences en interne, vont se retrouver
en pénurie de talents après demain et ce sont de concurrents
qui auront mieux géré leur ressources humaines qui en tireront
profit. C'est vrai dans les industries lourdes, mais c'est encore plus
vrai dans les métiers de prestations de services intellectuels
tels que le conseil, l'informatique et l'ingénierie.
Q
:
Comment se répartissent vos clients ?
R :
Nos clients
parisiens sont surtout les grands groupes qui nous confient essentiellement
les recrutements difficiles, car ils possèdent leur propre service
de recrutement. Par contre, nous avons beaucoup de clients parmi les PME,
en particulier en province. Ce sont des missions de caractère tout
à fait différent. Dans la PME, en général,
on est le conseiller en matière de recrutement du dirigeant et
on lui fait tous ses recrutements.
Q
:
Comment est ce que cela fonctionne avec les annonces offres d'emploi
publicitaires ?
R :
Les annonces d'offres d'emploi, sont soumises aux règles de la
publicité, elle ne doit pas être mensongère et elle
ne doit pas discriminer. Certains sont plus vigilants que d'autres, il
y a des sites irréprochables, genre " cadre emploi "i,
d'autres le sont moins. Mais ce n'est pas facile de faire une annonce
parce qu'il faut à la fois, qu'elle soit sélective mais
pas discriminante. Si elle est trop large, on a trop de candidats qui
correspondent ou pas. Si elle est trop fermée, vous n'en avez pas
assez.
HB
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