RENCONTRE DU 27 JUILLET 2006
invité : JEAN LOUIS WALTER

Comme Chaque année, la réunion mensuelle du mois d'août est avancée d'une semaine et c'est un membre du bureau confédéral qui est notre invité. Cette année, c'est Jean Louis Walter, Secrétaire général confédéral, président de l'APEC et membre du Conseil Economique et Social qui est intervenu.

INTERVENTION DE M. JEAN LOUIS WALTER

LE MORAL DES CADRES :
Le dernier sondage de l'APEC semble montrer une nette amélioration du moral des cadres, de la communication, de leur reconnaissance, promotion, augmentations etc…
A l'inverse, une enquête de la confédération montre qu'ils sont plutôt mécontents de leur rémunération. Si l'on en croit ce que vous dites, il semblerait que l'optimisme de l'enquête APEC mériterait d'être tempéré et que les choses évoluent difficilement…

LE RESEAU CFE-CGC :
Nous avons un problème de réseau, à la fois entre nos représentants dans les entreprises (et particulièrement dans les plus grosses), et de notre implication dans les instances de dialogue et d'échange extérieures. Il est important d'augmenter nos actions de lobbying et de contacts dans les nombreuses instances de dialogue qui existent. La CFE-CGC n'existe que parce que ses militants agissent dans les sections syndicales qui sont actives dans les entreprises, et en particulier dans les grandes (par exemple chez Renault, la CFE-CGC est première en nombre d'élus, et seconde quant au nombre de voix derrière la CGT).

L'ACTION SYNDICALE :
Ce ne doit pas être considéré comme une tare, mais comme un moyen qui permet à l'entreprise de se moderniser, de progresser dans un climat serin. Dans cette optique, il est possible d'avoir une écoute attentive des directions. Aujourd'hui, certaines directions redécouvrent l'importance de l'aspect social, suivant en cela l'influence de " professionnels de la communication ", alors qu'auparavant, nous avions des difficultés à leur faire comprendre.
Souvent, il importe aussi de considérer l'aspect financier, et d'arriver à démontrer que le bénéfice peut être mutuel dans un jeu de " gagnant - gagnant ", par des présentations plus techniques des arguments sociaux et syndicaux qui iront de paire avec une meilleure écoute. Mais cela nécessite une plus grande compétence des militants, de leur formation et d'un fonctionnement en réseau pour mieux faire circuler les expériences et les informations. Il faut aussi que le plus grand nombre prenne conscience de l'importance de nous rejoindre.

L'UTILISATION DES STAGIAIRES.
Le 7 juillet 2005 j'ai rendu un rapport au Conseil Economique et Social qui mettait en évidence l'utilisation scandaleuse des stagiaires, en particulier dans le conseil juridique. Malheureusement, ce rapport est sorti juste au moment du changement de gouvernement.
C'était aussi la période où est sorti le CPE fruit de la concertation en tête à tête entre Bercy et Matignon.

(voir le rapport 2005-12 : L'INSERTION PROFESSIONNELLE DES JEUNES ISSUS DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR présenté au CES parJean Louis Walter le 11/7/2005 à l'adresse internet du CES :
http://www.conseil-economique-et-social.fr/ces_dat2/3-1actus/frame_derniers_rapports.htm )

QUESTIONS DES PARTICIPANTS

Q : Au niveau de la confédération nos élus ont-ils le sentiment d'être bien en phase avec la base ?
R :
Notre problème, c'est que de plus en plus, les très bons hésitent à quitter leur entreprise pour faire de l'action syndicale et se dévouer jusqu'au niveau national. Dans mon cas personnel, j'ai dû subir plus de 10 ans de mise à l'écart du fait que je faisais du syndicalisme, jusqu'à l'arrivée de Jean Martin Folz. à la tête de PSA, qui a su rétablir une véritable reconnaissance de notre travail et corriger le tir. Mais il y a encore trop d'entreprises où le syndicaliste reste le mouton noir ignoré du patron, qui de son coté ignore tout de son activité. Rappelons que nous sommes la seule confédération où les élus, à quelque niveau que ce soit, sont salariés de leur entreprise.

Nota : faut-il rappeler que les " secrétaires généraux des 3 plus importants syndicats " ouvriers " sont " détachés " soit d'une administration publique (assistance publique hospitalière) soit de " service public " (SNCF ou CNAM), et que la majorité de leurs adhérents viennent également de la fonction publique et des entreprises " publiques ", et ont souvent peu de choses en commun avec les salariés du privé.

Q : Lors des dernières élections prud'homales, la totalité des votes par correspondance ont été systématiquement bloqués par la poste et dans les préfectures. Aucun n'est parvenu par exemple dans les bureaux de vote de La Défense pendant toute la durée du scrutin. Que doit-on faire pour que cette situation ne se reproduise pas lors des prochaines prud'homales ??
R : L'essentiel du problème, c'est de faire de l'action syndicale de proximité pour inciter nos adhérents et sympathisants à aller voter..

Q : Qu'elles sont vous relations avec le MEDEF et sa nouvelle présidente ?
R : Laurence Parizot est une femme de conviction qui est rentrée dans un système compliqué peuplé de crocodiles. Son prédécesseur n'a fait que de la politique et n'abordait jamais de problèmes techniques. Il faut rappeler qu'elle a été amenée par les nombreuses PME provinciales, dont les objectifs ne sont peut être pas les mêmes que les grandes entreprises. D'où les difficultés pour ouvrir un véritable dialogue, en particulier dans le domaine de la protection sociale…
Tous les dossiers sont connus, les propositions existent, l'heure est aux choix. Seule la volonté d'avancer semble manquer, en particulier avec la période préélectorale qui s'annonce. Pareil pour l'Europe, en panne depuis le vote négatif de la France. En parallèle se pose le problème de l'action et de la représentativité de la CEC..

Q : Depuis un an, l'éditorial de la lettre confédéral semble être de la seule compétence du président de la CGC. Quel est de fait le partage des pouvoirs entre le président et le secrétaire général ? De plus, dans les autres confédérations syndicales, l'essentiel des responsabilités incombent au secrétaire général, ce qui entraine parfois des confusions chez nos interlocuteurs?
R : La règle à la CFE-CGC depuis toujours, est que les désignations extérieures incombent au secrétaire général, même si le courrier par principe est toujours adressé au président. En 2001, j'ai demandé une modification dans les statuts, et désormais, " le secrétaire général effectue toute mission que le président lui délègue ". Pour ce qui est de l'éditorial de la lettre confédéral, le choix en est une prérogative du président élu. .

Q : Quel devrait être notre positionnement par rapport à la CFDT ?
R :
En ce qui concerne les cadres, la différence entre nos discours est faible. Par contre, on retrouve dans leur organisation " cadres " de très nombreux cadres de haut niveau détachés de l'administration (en particulier des finances), et leur réflexion est très en avance. Par contre, à y regarder de plus près, ils sont loin d'être en harmonie avec ce qui constitue la base de ce syndicat. Le dialogue entre eux est parfois difficile…
La CFDT a développé un élément qui nous manque : une forte implantation dans le tissu associatif et participe de plus en plus à des réseaux intellectuels qui lui permet de diffuser ses idées, que parfois d'ailleurs elle a récupéré chez nous au passage. Un autre problème, du fait de notre taille relativement petite, la moindre guerre entre personnes peut avoir des conséquences plus importantes.

Nota : encore une fois, on met en évidence une des principales différences de la CFE-CGC avec les autres confédérations. L'essentiel de leur troupes militantes ne provient pas de l'industrie et des secteurs marchands, mais de l'administration et des secteurs nationalisés ou para étatiques, où ils sont beaucoup moins soumis aux contraintes de rendement, de productivité, et desquels il est facile de se faire détacher (sous diverses méthodes) pour se mettre au service d'un syndicat ou de partis politiques. Ce n'est pas le cas à la CFE-CGC, dont les adhérents sont en grande majorité dans le secteur privé, et sont contraints le plus souvent à faire de l'action syndicale après le travail, avec hélas pour beaucoup d'entre eux, des conséquences négatives sur leur parcours professionnel.

Q : Quels sont les moyens de connaître l'activité et la politique de la confédération?
R : Il y a d'abord les formations dispensées aux militants par le CFS (centre de formation syndicale), Encadrement Magazine, la Lettre Confédérale, mais aussi l'Intranet auquel il ne faut pas hésiter à demander l'accès et sur lequel on trouve tout ce qui est nécessaire au militant. De plus, nous avons besoin de vous tous pour participer directement à nos réflexions. Nous sommes toujours prêts à accueillir tous ceux qui ont des idées sur les sujets qui nous préoccupent. C'est vous, qui êtes près des salariés, qui pouvez le mieux nous faire remonter leurs préoccupations.

Q : Chez Cap Gemini, un accord de GPEC (Gestion Prévisionnelle de l'Emploi et des Compétences) avait été signé, et aujourd'hui notre CCE s'est vu contraint de faire un procès à la direction, qui annonce un nième plan social sans tenir le moindre compte de l'accord qu'elle a pourtant signé.
R : La GPEC est un sujet que l'on a défendu depuis bien des années. Mais à la pratique, il apparaît que bien des entreprises qui ont signé un accord sur le sujet, se sont plus payés de mots que mis en pratique Ce suivi des compétences nécessite notamment un suivi très sérieux du plan de formation et d'avoir des entretiens transparents avec les salariés. C'est assez lourd à gérer, mais les résultats sont en conséquence tant pour l'entreprise que pour les salariés.

Q : Détachée depuis quelques mois d'IBM dans une PME, j'ai pu me rendre compte par moi-même de la très mauvaise presse faite aux syndicalistes dans ce type d'entreprise, bien plus encore que dans les grandes.
R : A ce sujet, j'ai proposé avec Bernard Van Craeynest, d'intervenir dans les colloques de la CGPME et de l'UPA pour leur expliquer ce qu'est le syndicalisme..

Q : Chez IBM, on fait signer aux stagiaires des contrats qui ne leur donnent aucun droit à des congés payés, pour des rémunérations moitié de ce quelles étaient (en francs courant) il y a 20 ans. Et ce pour être utilisés à temps plein à des missions où ils remplacent un salarié niveau ingénieur, et remplacent parfois des personnes licenciées ou partis en retraite. N'y aurait il pas moyen de limiter ce type d'abus ?
R : Le 7 juillet 2005 j'ai rendu un rapport au Conseil Economique et Social qui mettait en évidence l'utilisation scandaleuse des stagiaires. J'y proposais une négociation au niveau des conventions collectives sur le sujet. On a même vu des cabinets de conseils juridiques se monter avec des jeunes juristes diplômés, embauchés comme stagiaires
Malheureusement, ce rapport est sorti juste au moment du changement de gouvernement. C'était aussi la période où est sorti le CPE fruit de concertation en tête à tête entre Bercy et Matignon.
Gérard Larcher a également sorti une charte concernant les stagiaires.

Q : Il y a eu le rapport Haddas Lebel ainsi que la prise de position du PS pour que l'adhésion à une organisation syndicale de salariés devienne obligatoire. Dans la réalité du syndicalisme actuel, quelques altruistes paient de leur poche le droit de passer beaucoup de leur temps pour défendre les autres, et à négocier des accords qui profitent à tout le monde. Ne faudrait-il pas faire du lobbying auprès des parlementaires sur le sujet ?
R : Je le rappelais l'autre jour au Comité Economique et Social, la France est un pays de militantisme, pas un pays d'adhésion. En comparaison, le syndicat équivalent à la CGC au Danemark a autant d'adhérents que nous… La raison : ce syndicat est chargé par le gouvernement danois de la formation professionnelle des cadres. En France, nous sommes à l'origine d'accords et de structures originales et relativement efficaces. Peut être faudrait il plus et mieux communiquer sur le sujet. Le PS et l'UMP travaillent beaucoup sur le sujet, mais en cherchant à ne pas trop bousculer l'existant compte tenu des risques de désorganisation. Mais le vrai problème, c'est l'arrivée de l'UNSA, pour lequel Balladur a ouvert la porte du CES. Ce qu'il faut expliquer à nos députés, c'est que les enjeux importants sont les relations sociales dans le pays, que pour cela il faut des moyens. Les cotisations syndicales doivent être réservées à l'action syndicale dans les entreprises, les prestations dans les organismes sociaux doivent être financées par ces organismes, et l'Etat doit financer l'engagement dans société civile et son fonctionnement.

.HB