RENCONTRE DU 6 AVRIL 2006
invité : BENOIT EBEL

Benoit Ebel est Conseiller Technique du syndicat SYNERGIE OFFICIERS CGC, second syndicat d'officiers de la police nationale.
INTERVENTION DE BENOIT EBEL

 

Nous avons en ce moment une importante réforme des corps et carrières en cours, première évolution en vue depuis 1995.
Notre problème en France est que l'on veut réformer sans changement. On veut du changement pour les autres, mais pas pour soi.
Cette remarque est valable autant dans le privé que dans le public.

La police, c'est 140.000 fonctionnaires, actifs et administratifs, 1ère composante des forces de sécurité intérieures avec la gendarmerie nationale (100.000 personnes), la police recouvre les zones urbaines, la gendarmerie les zones rurales.

La réforme des statuts de la police est actuellement en cours.
Un nouveau cadre statutaire pour les officiers de police, devrait pallier aux problèmes de recrutement en rendant la carrière plus attractive. Les officiers de police représentent environ 13.000 personnes.
La réforme, compte tenu des contraintes budgétaires a abouti à une réduction progressive des effectifs à moins de 10.000, pour parvenir à une meilleure répartition des moyens matériels et humains. Cette réduction se fera par le non remplacement de départs à la retraite et un recrutement limité à un peu plus de 100 personnels par an.
Depuis le décret de juin 2005, ce recrutement est fait sur la base d'une licence, au lieu de Bac +2 auparavant, en même temps que le passage de la catégorie B à la catégorie A de la fonction publique.

En 1995, il y avait 5 corps dans la police nationale :
- les enquêteurs (en civil)
- -les inspecteurs (en civil)
- Les gardiens de la paix (en tenue)
- Les officiers de paix (en tenue)
- Les commissaires de police.
Qui ont été réduits à 3 corps.

Le système des déroulements de carrière a été revu ainsi que l'augmentation indiciaire, afin de rendre la profession plus attractive.
Nous avons dès le départ demandé pour les officiers un statut cadre, et d'être désengagés de la matière judiciaire.
Ce plan pluriannuel s'étale de 2005 à 2012.
Cette déflation des effectifs touche également le corps des commissaires qui passera de 2000 à 1600.
Cette déflation a été la condition sine qua non de la réforme du corps, compte tenu de l'impossibilité d'obtention de crédits supplémentaires, de la nécessité d'augmentations indiciaires pour les personnels en place et pour pallier les soucis de recrutement.
Un type de réforme analogue (sans toutefois diminuer les effectifs et tout en conservant leur principe de gestion territoriale et non par service comme dans la police) est en cours dans la gendarmerie.

Dans l'ensemble des corps de la police un système analogue à celui de la validation des acquis est mis en place et permettra à des gradés et gardiens d'accéder au corps des officiers ; et à des officiers d'accéder au grade de commissaire
Dans le cadre de cette réforme sera mis en place une transversalité dans la fonction publique, avec la mise en place d'un certain nombre de passerelles.
Nous sommes dans la 2ème année de cette réforme et notre syndicat Synergie Officiers CGC participe activement à sa mise en place.

La dynamique initiée depuis 2002 a amené non seulement une accélération de la réforme , mais aussi des moyens conséquents mis à la disposition de la police et de la gendarmerie.
La Gendarmerie Nationale traite de l'ordre d'un million de crimes et délits par an sur le territoire national, la Police Nationale rn traite 3 millions.

Notre syndicat Synergie Officiers CFE-CGC est le second syndicat des officiers de police avec un taux de croissance de 8 à 10% à chaque élection professionnelle, malgré la diminution des effectifs. Sur les dix sièges en commission administrative paritaire, le syndicat SYNERGIE en a quatre. Il est représenté pour les 3 collèges correspondant aux grades de lieutenants capitaines et commandants de police.

QUESTIONS DES PARTICIPANTS

Q : Quelle est la relation de Synergie avec les autres corps de la police ?
R : Nous marchons main dans la main avec nos collègues d'Alliance Police Nationale qui concerne le corps des gradés et gardiens, en particulier pour faire avancer cette réforme. C'est un peu moins vrai avec le corps des Commissaires pour des raisons de partage de compétences. Mais les choses devraient progressivement s'aplanir avec l'avance de la réforme et le départ à la retraite des " baby boomers ". r.

Q : Le rapprochement annoncé de la gendarmerie et de la police a t il amené à une plus grande efficacité ?
R : Les deux services cohabitent bien et lorsqu'il y a des problèmes, ce sont plutôt des questions de personnes que de structure. Cette collaboration a amené à la création des GIR, où police gendarmerie et douanes mettent en commun leurs enquêtes. Certains fichiers sont communs, une partie de l'équipement est mutualisé et compatible.
En Europe, seuls 4 pays comportent des forces de maintien de l'ordre sous statut militaire : la France, l'Italie, l'Espagne et le Portugal. Les directives européennes tendraient à voir disparaître ces statuts militaires.

Q : Que pensez vous le la " police de proximité ?
R : La proximité est nécessaire mais pas telle qu'elle était conçue précédemment. Une police de proximité dont le commissariat est fermé les heures où il est le plus nécessaire peut laisser pensif. Faire des rondes aux heures où il se passe rien, est-ce utile ? La proximité sans la prévention et la répression ne peut pas fonctionner. Tout est question d'équilibre. Il faut aussi que la justice remplisse son rôle. Arrêter les voleurs pour les relâcher aussitôt ne sert à rien. Encore faut il que même si elle en a la volonté, elle en ait les moyens ! On peut aussi incriminer le manque de maturité et d'expérience de jeunes magistrats à qui l'on a donné d'énormes responsabilité dès l'issue de brillantes études,. Ce problème ne se retrouve d'ailleurs pas seulement chez les magistrats. L'école est une chose, la pratique en est une autre. Toutefois, aujourd'hui, le recrutement des commissaires est issu pour moitié du corps des officiers et du corps des gradés et gardiens par concours interne.

Q : On constate une féminisation des professions, tant dans la magistrature que dans la police ?
R : Aujourd'hui, 60% des magistrats sont des femmes. On assiste un peu à la même tendance chez les commissaires. Par rapport à certains problèmes, les femmes sont probablement mieux adaptées que des hommes, mais cela peut poser un problème dans certains cas.
Nota : C'est probablement la conséquence du fait que les femmes sont souvent plus appliquées que les hommes dans leurs études scolaires et réussissent plus facilement les examens. Par contre, diplôme en poche, elles ont tendance à choisir des emplois plus administratifs et moins risqués, pour lesquels la maternité et les problèmes avec les enfants risque d'influer sur leur carrière professionnelle.

Q : Qu'en est il des douaniers ?
R : On travaille avec eux dans le cadre du GIR. Ils ont beaucoup de moyens et plus de possibilités juridiques que la police ou la gendarmerie. Par exemple, ce sont les seuls à pouvoir perquisitionner de jour comme de nuit. Mais leur domaine est quelque peu différent du notre, bien que parfois, on ait des recoupements.

Q : Et pour les contrôles d'identité?
R : Il y a une attitude très française, de rechigner lorsqu'un agent de la force publique demande les papiers. Mais il ne voit aucun inconvénient à les présenter à la caissière du supermarché qui en demande parfois 2 après avoir fait un chèque

Q : Dans la réforme actuelle de la police, les augmentations sont elles liées sur le mérite?
R : Chez les officiers de police, il y a 3 grades : lieutenant, capitaine et commandant. Dans le cadre de la réforme statutaire du 29 juin 2005, les modalités d'avancement sont revues. Auparavant, on avait un système qui était dérogatoire dans la fonction publique (ouverture de poste qui se faisait localement en fonction du service). Un nouveau système est en cours d'élaboration prenant en compte d'abord le mérite, et l'ancienneté, alors que précédemment, c'était plutôt l'inverse. Mais il n'y a pas vraiment de notion de " productivité ". Cette réforme va permettre de diviser par 2 le temps moyen de promotion alors que précédemment, certains devaient attendre 20 ans leur promotion de lieutenant à capitaine.

Q : J'ai été victime d'une fraude à la carte bleue en pays étranger et malgré le fait d'avoir déposé une plainte, il n'y a jamais eu de suite. Ou du moins, je n'en ai plus entendu parler ?
R : Un grand nombre d'affaires sont classées sans suite. Le nombre de plaintes concernant des escroqueries à la carte de paiement augmente de manière exponentielle. Si l'on veut être sûr d'avoir une suite , la meilleure solution est de se porter partie civile (et donc de verser une provision au greffe), ou encore de faire appel à une union de consommateurs qui peut le faire en regroupant des cas similaires.

Q : Toute enquête de police représente un coût important qui est supporté par la collectivité, et les budgets ne sont pas extensibles. On peut donc comprendre que soit pris en compte l'importance du délit pour le suite à donner à une plainte.
R : Il ne faut pas non plus se laisser trop entrainer par cette logique de coût. La sécurité est une des fonctions régaliennes de l'Etat. Il faut bien hiérarchiser les choses. Depuis une dizaine d'années, au niveau de la loi, la répression est plutôt souple en ce qui concerne les atteintes aux biens. Par contre, on peut noter un durcissement en ce qui concerne les atteintes aux personnes. Le problème est plutôt dans l'application de la loi et des peines. On constate d'ailleurs des différences d'application d'un parquet à l'autre. Il faut aussi prendre en compte les moyens attribués à la justice qui ne sont pas au niveau des besoins pour pouvoir appliquer la loi.

Q : Avec l'Europe des 25 et la libre circulation des citoyens européens, les nombreux de modèles de papiers d'identité devraient être largement diffusés sous forme de fac-simile à ceux qui seraient susceptibles de devoir vérifier les identités, ne serait-ce que par exemple les banques, où l'on n'a aucun moyen de savoir si le document présenté correspond à une pièce officielle ou un document fantaisie.
R : C'est un réel problème. Les escrocs ont toujours une longueur d'avance. A toute protection une parade sera imaginée, et cela va de plus en plus vite. Il y a de plus en plus de délits autour d'internet et des cartes bleues. Un nouveau modèle de permis de conduire arrive dans les jours qui viennent, et un permis européen devrait sous peu voir le jour. 'tériles.

Q : Quels sont les grades dans la police ?
R : Ca commence par le gardien de la paix, sous brigadier, brigadier, brigadier chef, major, ensuite Lieutenant, capitaine commandant, commissaire et commissaire divisionnaire. Au dessus, il y a les " hauts fonctionnaires ", contrôleurs généraux, inspecteurs généraux et directeur actif.
Les personnels en civil et en tenue ont des missions complémentaires, le travail en civil étant surtout centré sur l'investigation.

Q : La gendarmerie n'a-t-elle pas également un rôle important dans la proximité .
R : La gendarmerie exerce dans les zones rurales où le contact avec la population est plus facile. La police, lorsqu'on nous appelle, c'est qu'il y a un problème, et ce dans un environnement moins favorable.

Q : Quelles sont les possibilités de la police en civil pour prévenir les problèmes dans les manifestations et si possible arrêter les casseurs avant qu'ils ne commettent leurs méfaits ?
R : Il faut en premier préserver son personnel en ne lui faisant pas prendre de risques inutiles. Mais face aux débordements que l'on a vu ces derniers temps, on ne peut pas rester inactifs alors que des passants se font gravement agresser. Mais l'intervention à chaud au milieu d'une manif est très délicate. De plus, la police ne peut pas être partout en même temps. Lorsqu'on a détecté un fauteur de trouble, il faut que l'intervention soit rapide, bénéficier de l'effet de surprise, et surtout avoir la certitude de pouvoir ressortir et ramener la personne derrière les forces de l'ordre pour vous protéger.

Q : Quels sont vos moyens contre la cybercriminalité ?
R : Des services spécialisés ont été créés au niveau de la police et de la gendarmerie, car ce type de criminalité est en pleine expansion.

Q : Que faire par exemple dans le cas ou on reçoit des mails pédophiles ?
R : Il faut prendre contact auprès du service de police le plus proche et essayer d'identifier l'origine du message. Sur le site du ministère de l'intérieur un " chat " traite le sujet :
http://www.interieur.gouv.fr/rubriques/divers/fete_internet/20030319_archive_chat

.HB