RENCONTRE DU 2 FEVRIER 2006
invitée : Mme Françoise Dutheil

Ancienne DSC chez BULL, Françoise DUTHEIL est Secrétaire Nationale du Parti Radical.
Ingénieur, polytechnicienne, titulaire d'un Doctorat de Physique Fondamentale aux USA,
- dont elle ne s'est jamais servi-, elle s'occupe de stratégies industrielles de l'énergie.
INTERVENTION DE Françoise Dutheil


Les grandes questions sur l'avenir de l'énergie ont été posées il y a 15/20 ans, mais depuis 2 ans c'est un sujet très en vogue.

Le problème de l'énergie aujourd'hui au niveau mondial :
Contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent, la question de fond n'est pas celle de l'énergie nucléaire mais celle des " gaz à effets de serre ".
C'est un risque majeur pour la planète. S'y ajoute la croissance exponentielle des besoins en énergie, la prise de conscience de la diminution des ressources pétrolières (certains sites ferment en Norvège en Suède), le problème de sécurité concernant la distribution du gaz (distribution qui s'effectue au travers de pays pas très stables, - voire en guerre - Irak, Turquie, Afghanistan). Gazprom en est un exemple.

Autre facteur à prendre en compte : la consommation des pays en voie de développement qui sera à terme la même que la nôtre.
C'est la clé du développement : on ne peut pas sortir de la misère si l'on n'a pas d'électricité. Deux milliards de personnes aujourd'hui n'ont pas d'électricité.
On pense qu'il y aura 3 milliards de personnes en plus dans les 50 ans à venir. Cela représente une augmentation de la consommation mondiale d'énergie de 50%.

Lors d'un congrès du parti radical, j'avais proposé que l'on arrive à une solidarité internationale sur l'énergie, laisser aux pays en voie de développement l'énergie fossile car ils n'ont que cela (gaz, charbon, pétrole) les pays industrialisés devant se développer dans le nucléaire et l'hydraulique.
En France tous les sites susceptibles d'accueillir de grands barrages ont été utilisés.
Rappelons que les éoliennes fonctionnent uniquement lorsqu'il y a du vent. En période de canicule il n'y a pas de vent (alors que l'on en a besoin pour faire fonctionner les climatiseurs). Lorsqu'il y a de très grands froids il n'y a pas de vent non plus, mais on a besoin de chauffage.
Le solaire peut être un appoint très intéressant mais pose les mêmes problèmes ; plus on va vers le nord moins le rendement est bon.
Ce sont des énergies intermittentes.
Contradiction importante : RTE et EDF sont amenés à installer autant d'énergie polluante qu'ils installent d'éoliennes non polluantes pour couvrir les besoins en électricité de la population pour les jours où il n'y a pas de vent. Car personne n'accepterait aujourd'hui d'avoir de l'électricité uniquement les jours de vent.

Il faut établir une nouvelle gouvernance de l'énergie. L'AIEA (Agence Nucléaire de l'ONU) s'occupe de la sûreté du nucléaire dans le monde. Il faut renforcer ses pouvoirs.
De nombreux pays veulent augmenter la part du nucléaire (l'Angleterre, la Suède, l'Allemagne, l'Inde).
Les Chinois sont très pragmatiques : ils ont une montagne de charbon mais très éloignée des centres industriels. Ils veulent s'occuper de l'environnement et prévoient un programme de 32 centrales nucléaires.
En Iran, le Shah avait déjà prévu une baisse de sa production pétrolière. Il avait demandé et obtenu que le Commissariat à l'Energie Atomique l'aide à former des personnels (Il y a donc des compétences en Iran). L'Iran a signé le traité de non prolifération, donc il a tout à fait le droit de construire des centrales nucléaires civiles.
Techniquement le nucléaire civil et le militaire sont très différents. Ce sont les propos du nouveau Président iranien qui inquiètent. Les solutions préconisées par AIEA sont simples : ils ne construisent pas d'usines susceptibles de produire des matériaux que l'on pourrait après, transformer en matière militaire. Le garant de leur bonne foi c'est l'acceptation des visites de leurs usines. Visites qui permettent de comptabiliser les matériaux nucléaires (entrées, sorties, utilisation). En Europe ces contrôles sont effectués en permanence. Si l'Iran n'accepte pas ces contraintes on peut le soupçonner de vouloir détourner des matières fissiles.
En France on veut ouvrir le marché de l'énergie (ouverture du capital de l'EDF). Cela se fait dans toute l'Europe et cela permettra de connaître la vérité des prix. La France est très bien placée en terme de prix à cause du nucléaire.
Il faut une autorité de concurrence, une régulation des activités qui sont restées en monopole.

En ce qui concerne les énergies renouvelables on pourrait considérer qu'il faille faire des appels d'offres. Actuellement il n'y en a pas, c'est un peu réparti suivant les différents constructeurs. L'Etat achète les énergies renouvelables à des prix défiants toute concurrence (3 fois le prix de l'énergie nucléaire). Cela s'explique en partie car il faut stimuler la recherche.

L'accroissement des besoins en électricité, la sécurité d'approvisionnement, les coûts du pétrole (qui vont continués à augmenter) font que nous aurons besoin du développement de toutes les énergies.

Récemment lors d'un colloque au Sénat, qui débattait des gaz à effets de serre et des solutions envisagées, Total a expliqué qu'il investissait des sommes considérables pour que le pétrole et les gaz soient dépollués de leur CO². A ce jour, les technologies ne sont pas encore au point. Il est très difficile d'épurer le CO² de leur gisement. Une fois le CO² extrait qu'en fait-on ? On le mettrait dans d'anciens gisements pétroliers sous terre. Des expériences se font actuellement dans ce sens (Projet européen CASTOR). Industriellement on n'y est pas. Quels seront les risques de cette solution dans 50 ans ? Il y a beaucoup de risques.
Les gaz à effets de serre mettent plus de 100 ans à disparaître, ils s'accumulent. C'est la problématique de la planète.

QUESTIONS DES PARTICIPANTS

Q : Le réchauffement de la planète, basé sur des hypothèses et des mesures est un sujet à la mode. La célèbre saga d'Eric Le Rouge, qui date du VII° siècle décrit les voyages de ce viking qui est allé en Islande et au Groenland (Groenland signifiant d'ailleurs " Pays vert " en danois). S'il s'agissait du pays vert, il y faisait moins froid qu'aujourd'hui. Il y a eu aussi c'est bien connu une période de petites glaciations du temps de Louis XIV. Le climat évolue beaucoup sur la planète, mais est-ce vraiment les gaz à effets de serre qui provoquent le réchauffement ? N'exagère - t - on pas sur ce sujet ?
R : Il y a eu en effet des périodes de réchauffement de la planète bien avant notre époque. Mais nous avons fait augmenter la température en 50 ans de 0,7 degré. C'est le raccourcissement du temps de l'élévation de la température qui est extraordinaire. Ce qui a été fait sur 100.000 ans vient de se produire en 50 ans. C'est cette accélération qui nous annonce une catastrophe dans une cinquantaine d'années si l'on ne fait rien. Aujourd'hui ce n'est plus une hypothèse, c'est une certitude.

Q : L'électricité est-elle la vraie problématique aujourd'hui ? Est-ce que ce ne serait pas plutôt le problème de l'eau ?
R : Nous sommes aujourd'hui vis-à-vis de l'eau dans la situation où nous étions il y a 15 ans pour l'énergie.
On commence à découvrir le problème et l'on n'a pas encore réfléchi aux solutions. Il y a une inertie planétaire considérable pour répondre à ce genre de problématique. Les pays développés peuvent éventuellement utiliser le dessalement de l'eau de mer, mais il consomme de l'énergie. C'est donc un processus cher.
Actuellement on paie l'eau très peu cher, mais elle va augmenter comme nous avons connu l'augmentation du pétrole.
L'eau est un bien rare qui va devenir cher.
On peut encore faire des forages très profonds.
C'est un problème parallèle à celui du pétrole.

.HB