RENCONTRE DU 3 JUIN 2005
Invité :

Mme Isabelle Balkany est Première Adjoint au Maire de Levallois-Perret, et Vice Président du Conseil Général des Hauts de Seine, chargée des problèmes de l'enseignement.
INTERVENTION DE Mme Isabelle BALKANY

En Région Parisienne, la perception des Conseils Généraux par les habitants est moins précise qu'en province.

En région Ile de France, les gens connaissent leur maire, la Région commence un peu à être perçue et au milieu, il y a le Conseil Général dont on ne sait pas trop ce qu'il fait.

Le Conseil Général des Hauts de Seine est le plus important de France. On dit qu'il est fort riche et c'est vrai que grâce aux entreprises de ce département, il a des recettes importantes.
Ses domaines d'intervention sont les mêmes que les autres conseils généraux, enrichis par les deux lois de décentralisations de la voirie, en partie des transports et du logement, de l'enseignement pour ce qui concerne les collèges et de l'aide sociale et la solidarité qui représente une part fort importante du budget départemental.

Les lois de décentralisation nous ont d'abord apporté l'enseignement (loi de Deferre) et la dernière nous a, surtout pour les départements, amené le personnel technique lié au fonctionnement des collèges.
La technique est toujours la même : avec les lois de décentralisation, l'Etat se débarrasse d'un poids financier sur les collectivités territoriales. On nous explique qu'il va nous compenser ces dépenses, ce qui est objectivement vrai et subjectivement faux. Par exemple avec la dernière décentralisation des personnels TOS des collèges (900 au première janvier 2006) : l'Etat va nous compenser à hauteur de 900 alors qu'il est notoirement connu qu'il en faut à peu près 1.800 pour que cela fonctionne correctement. Il y a clairement une dépense supplémentaire pour les collectivités locales.

Mon domaine d'attribution au Conseil Général est effectivement " les collèges " mais nous débattons sur tout et je peux donc répondre sur tous les sujets.

Sur le plan politique nous avons eu un Président de 1988 à 2004, qui était Charles Pasqua. Il a été remplacé l'année dernière à l'occasion des élections cantonales par Nicolas Sarkozy et je vous rassure tout de suite, il restera Président du Conseil Général bien qu'il retourne dans un ministère.
Avoir un Président de Conseil Général qui a une dimension nationale et qui est un homme d'action et de pragmatisme pour un département qui bouge est une bonne chose. Nous sommes donc très contents qu'il reste, nous avons constitué une équipe autour de lui qui fonctionne. Il était déjà ministre des Finances en étant Président du Conseil Général et je ne vois donc pas la différence maintenant.

Je voudrais surtout répondre à vos questions, parce qu'on a souvent l'impression que les habitants ne perçoivent pas bien dans leur vie quotidienne ce que fait le Conseil Général et ce qu'il peut apporter dans la vie quotidienne de ses administrés.


QUESTIONS DES PARTICIPANTS

Q : Une initiative sur Paris a réuni toutes les associations concernées par le transport des handicapés. Pourquoi rien n'est fait dans les autres départements?
R : Tout d'abord nous considérons, y compris N. Sarkozy, que dans le domaine des handicapés notre pays a vingt ans de retard sur beaucoup d'autres pays.
On n'arrête pas de poser le diagnostic mais ensuite il faut trouver des solutions. Dans notre département nous avons décidé d'être très actifs sur le sujet et Nicolas Sarkozy a envoyé des questionnaires très précis à l'ensemble des habitants du département à la suite desquels nous avons fait des états généraux et dégagé des priorités.
L'intégration des handicapés était vraiment la première priorité, à tous les échelons car vous parlez des problèmes de transports que nous ne maîtrisons pas mais nous pouvons nous associer financièrement à toutes les entreprises dans ce domaine. Cela va de l'accessibilité des bâtiments départementaux à l'intégration des handicapés en milieu scolaire normal avec l'ouverture d'UPI (Unité Pédagogiques d'Intégration) dans les collèges mais nous avions beaucoup de retard. Nous avons ouvert 14 UPI en un an et demi et j'espère qu'il y en aura dans tous les collèges du département d'ici deux ans. Mais hors de notre champ de compétence, nous ne pouvons pas être initiateur et nous ne pouvons que cofinancer.

Q : Pour parler du transport des handicapés à Paris, le métro n'est vraiment pas un exemple !
R : C'est de la compétence du Syndicat des transports parisiens..
Nota : si l'on consulte le site http://www.infomobi.com/, on se rend compte que les stations métro et RER équipées pour les handicapés sont surtout installées en banlieue et très peu à Paris…Alors, entre les effets médiatiques et la réalité !...

Q : Justement là, on voit qu'il y a une scission entre la Région et les Conseils Généraux. Les citoyens connaissent mal le fonctionnement des structures locales et mériteraient de mieux être formés à ce sujet.
R : Nous regrettons justement amèrement de n'être que des tiroirs caisses pour le STIF (Syndicat des Transports de l'Ile de France), où nous ne faisons que délibérer pour payer, mais on ne nous demande absolument pas notre avis.
Sur ce sujet comme sur d'autres du même type, il y a ceux qui payent et ceux qui décident. Ce ne sont pas forcément les mêmes.
Il faudra que chaque collectivité redéfinissent ses priorités. C'était d'ailleurs l'objectif de cette deuxième loi de décentralisation : elle redéfinit les domaines de chacun et on devrait s'y retrouver, mais il y a les usages et chacun à voulu faire un petit bout de la formation par exemple…Avec Sarkozy on a arrive mieux à recentrer sur ce que sont nos compétences et à laisser faire la Région ce qui est de son ressort parce qu'autrement on n'y arrive plus.

Q : Comment envisagez-vous la santé scolaire dans les collèges ?
R : La santé scolaire dépend normalement de l'Education Nationale et le résultat est plus que médiocre de la maternelle au lycée. Il est compensé par les collectivités dans certains établissements. Par exemple dans les écoles maternelles et primaires de Levallois, il y a des médecins scolaires (de l'éducation nationale) et des infirmières qui sont du personnel communal rémunéré par la ville.
Tout dépend des communes qui peuvent ou veulent le faire. Arrivé au collège, il ne se passe plus rien. Parce que jusqu'à maintenant je ne pouvais pas rentrer du personnel départemental dans les collèges, domaine réservé au personnel de l'Education Nationale.
Le personnel sanitaire qui devait être décentralisé ne l'a pas été suite aux mouvements syndicaux seuls les personnels techniques (agents de service) sont transférés. Je crains que cela ait été une occasion ratée parce qu'au niveau des collectivités locales, nous avons la pression des parents et des administrés (et des électeurs). Nous sommes beaucoup plus réactifs que l'Etat. On ne peut que regretter la situation actuelle où il y a 1 médecin pour 5 collèges, une infirmière pour 12…
Dans les collèges faute de personnel compétent, il n'y a pas de dépistage, pas de prévention, alors que les enfants sont à l'âge compliqué de la pré-puberté et puberté. Cela se passe plutôt bien jusqu'au CM2 puis plus rien à l'âge où les enfants sont le plus difficiles.
C'est un échec complet.

Q : Il y a des choses concernant la précédente décentralisation qui étaient en fait du domaine de la déconcentration. Je voudrais savoir ce qu'il en est aujourd'hui de cette deuxième décentralisation.?
R : La marge entre déconcentration et décentralisation est difficile à définir clairement. La première décentralisation a été peu claire dans les compétences de chaque collectivité. La seconde répartit plus clairement les compétences de chacun. On sait maintenant très clairement ce qui est du ressort de la Commune, du Département et de la Région.
Après il va falloir lutter contre les usages.
Dans l'enseignement, où est la limite entre l'Etat et la collectivité ? On vous dit clairement que l'Etat est là pour donner un contenu de programme, un contenu pédagogique et fournir les enseignants, et que les collectivités sont là pour gérer les bâtiments et pour faire du périscolaire.
Mais la réalité c'est que dans une école de ma ville j'ai deux fois plus de personnel communal que de personnel de l'éducation nationale : 10 classes = 10 instituteurs, plus en maternelle, 10 ATCEM (personnel qualifié pour les petits) plus le personnel de service pour l'entretien plus la gardienne plus le restaurant scolaire plus personnel pour enseigner par exemple la musique, l'anglais.
Donc 10 instituteurs payés par le ministère de l'Education Nationale pour 30 salariés de la commune.
Dans les collèges, ce n'est plus le problème du personnel mais celui de l'intervention pédagogique, des études dirigées, des ateliers pédagogiques. Il s'agit de personnel enseignant mais c'est le département qui les paye ainsi que le matériel.
L'enseignement est l'exemple le plus caricatural, parce que l'Education Nationale est une telle forteresse que c'est très difficile mais on arrive cependant à la faire bouger. Mais lorsque j'ai voulu mettre en place des médiateurs éducatifs dans les collèges difficiles, lorsque je suis passée la première fois au Conseil Départemental de l'Education Nationale avec uniquement des syndicalistes, je me suis fait insulter, on me reprochait de démanteler le service public….mais cela fait maintenant 14 ans que cela fonctionne très bien.
C'est un lent travail que d'ouvrir des portes en disant que l'Etat ne sait pas répondre à certains problèmes et que nous allons y répondre. Il est vrai que l'on casse le fameux mirage de l'égalité entre les enfants, parce que tous les départements n'ont pas les mêmes moyens mais aussi ne font pas forcément le même choix politique.
Bien des départements ne mettent pas l'enseignement au premier plan des priorités. Jusqu'où faut-il pousser la décentralisation, je suis réservée sur le fait de le faire trop vite parce que c'est quelque chose d'énorme.

Q : Le Conseil Général a fait des cadeaux en offrant du personnel complémentaire dans les collèges, mais l'Education Nationale aurait pu refuser dans un souci d'égalité…?
R : L'Education Nationale n'a plus les moyens de refuser. Même si ça été au début un rapport de forces, elle est obligée de travailler avec nous parce qu'elle a de telles carences qu'on est bien obligé de les combler.

Q : À Levallois, vous vous êtes même attaquée à la Région puisque nous y avons maintenant le plus beau lycée de France.?
R : C'est une opération très particulière qui ne concerne que la ville de Levallois parce que nous avions fait une ZAC (Zone d'Aménagement Concertée). La ville de Levallois était bénéficiaire et permettait de financer le Lycée, sachant que la Région nous donnait une échéance de financement qui était beaucoup trop loin pour la commune puisque c'était 2005, alors que le collège a déjà 10 ans. Nous avons fait un " appel à responsabilité " - procédure particulière et dans le cadre de la ZAC, la commune a financé la construction du lycée à 90%, la Région ne payant que 10%. D'autre part dans le département nous avons encore un certain nombre de cités scolaires (7 ou 8) qui sont très difficiles à gérer (1200 élèves) et c'est le CG qui les gère pour le compte de la Région, c'est-à-dire que la Région vote le financement puisqu'il y a une partie de Lycée mais c'est moi qui gère l'ensemble de ces cités et des travaux relatifs.
C'est un bel exemple de coopération entre la Région et le Conseil Général et bien la preuve qu'on arrive à faire des trucs intelligents.

Q : Je voudrais citer une expérience faite dans les Hts de Seine, mon épouse forme des nourrices qui sont au chômage dans le cadre d'un CAP Petite Enfance, selon un programme de formation financé par le Conseil Général des Yvelines.
R : Aujourd'hui avec les femmes qui travaillent on manque partout de structures d'accueil pour la petite enfance et dans toutes les communes il y a des listes d'attente monstrueuses, il faut donc trouver de nouvelles formules. On participe aussi beaucoup à la formation des assistantes maternelles, sachant que l'assistante maternelle reçoit chez elle et pour obtenir l'agrément il faut qu'elle ait un logement qui lui permette d'accueillir 3 enfants. A Levallois, 280 assistantes maternelles. Compte tenu des rémunérations, elles ne peuvent être logées que dans des logements sociaux et grands. Donc il faut régler le problème de la formation et celui du logement qui dans les Hauts de Seine n'est pas le plus facile à résoudre.

Q : d'une façon générale on dit souvent qu'en France il y a un niveau de trop entre Commune, Région, Département et Etat et si c'est vrai, quel niveau faudrait-il faire disparaître ?
R : Vaste débat, avec des positions qui bizarrement ne sont pas liées aux clivages politiques. Je ne vais donc vous donner que ma réponse :
Le premier niveau pour moi, c'est la ville, et comme je connais la province je pense même que de très petites communes ont une raison d'être. Il y a une proximité, une convivialité qui sont efficaces et font aussi partie de la qualité de vie de ce pays.
Après on a voulu faire des communautés de communes. On va convenir que pour des communes de 30, 100, 150 habitants, nombreuses sur les 36000 que compte la France, il peut être pertinent de faire une économie de moyens dont elles manquent : pénurie de moyens non seulement techniques mais aussi humains.
On a voulu l'imposer en Région Parisienne et Ile de France et là cela devient une aberration.
Toutes les communautés de communes qui s'y sont créées fonctionnent horriblement mal, parce que nous avons de grosses villes qui ont des moyens suffisants en propre. Lorsqu'on a voulu l'imposer dans les Hauts de Seine, les quelques communautés de communes qui ont été créées ne cherchent maintenant que le moyen juridique d'en sortir tellement les relations y sont mauvaises. Nicolas Sarkozy lorsqu'il était ministre de l'intérieur avait imaginé une communauté de Communes de la boucle nord du département. On a d'ailleurs délibéré là-dessus à Levallois, et à Asnières. Quand Nicolas Sarkozy est devenu Président du Conseil Général on a laissé tomber l'idée quand on s'est aperçu qu'elle avait beaucoup d'inconvénients et aucun avantage. En zones très urbanisées et surtout en Ile de France la Communauté de Communes n'est pas très pertinente.
Le Conseil Général est le dernier échelon encore perceptible par un administré parce que l'on a des domaines de compétences où l'on est en contact direct avec eux (collèges, voirie…). Enfin la Région est une espèce de nébuleuse plus vaste et plus compliquée, c'est une grosse administration qui dans son fonctionnement commence à ressembler, tout du moins pour la région Ile de France, à un service d'Etat.
Je prends mon homologue à la Région qui est vice-président chargée des Lycées, socialiste et une amie puisque conseiller municipal à Levallois. Elle me dit " tu ne te rends pas compte l'autonomie que tu as, de la liberté que tu as, de ta capacité à faire bouger tes services, moi entre le moment où je demande quelque chose et le moment où j'obtiens satisfaction, il s'est passé 6 mois.. ". Donc moi c'est plutôt la Région que je supprimerais. Mais j'ai quelques valeureux collègues et notamment les élus régionaux qui vont vous faire la même démonstration à l'envers et vous dire que c'est le département qu'il faut supprimer. Mais moi j'aime la proximité et pouvoir agir sur l'événement.

Q : C'est vrai que la Région est mal perçue mais au niveau de l'Europe la plupart des choses ne se traitent elles pas au niveau des régions ?
R : Les Conseils Généraux pourraient tout aussi bien travailler avec l'Europe.

Q : En ce qui concerne la Communauté de Communes, (l'intercommunalité), au Vésinet en décembre dernier a été votée la création d'une intercommunalité entre Le Vésinet, Sartrouville, Chatou et toute cette région de la boucle de la Seine.
Le Préfet, après avoir délibéré avec les conseillers municipaux a refusé de signer la création de la Communauté de Communes parce que les impôts n'avaient pas été votés. C'était en contradiction avec ce qu'avait dit le Président de la République, qu'on n'allait pas augmenter les impôts parce que l'on faisait une structure supplémentaire.

R : A Levallois, c'est le contraire, nous nous étions lancés dans la Communauté de Communes parce vous savez qu'il y a un impôt solidarité entre les communes et c'était vraiment équitable puisque nous étions 8 villes riches (dont la mienne) des Hauts de Seine, à payer pour tous les (200) autres .
Il y a eu une première tranche et on avait dit qu'on trouvait ça normal et puis les socialistes nous ont collé une deuxième tranche qui, elle, est exponentielle et qu'on n'arrive plus à payer.
A force de faire payer les riches, ils deviennent pauvres. Et il se trouve que dans la loi sur l' inter-communalité, en étant en inter-communalité on échappait à cette deuxième tranche.
Comme d'habitude en France on fait une loi, puis on n'a pas le courage de dire qu'elle n'est pas bonne et donc on fait une deuxième loi qui contourne la première.
Dans le même temps ils ont " repatouillé " la taxe professionnelle et du coup de riche on s'est trouvé pauvre et du fait on ne paie plus. Donc maintenant nous n'avons plus besoin de nous embêter avec une intercommunalité de 450 000 habitants car nous allions monter une usine à gaz et il fallait avoir beaucoup d'imagination pour découvrir les rares points où elle aurait pu amener d'hypothétiques améliorations, qui auraient probablement même pas couvert les augmentations de frais de fonctionnement.

HB