RENCONTRE DU 2 DECEMBRE 2004
Invitée : MONA VASSEL :
Les nouvelles règles de la formation continue

Mona VASSEL est déléguée nationale confédérale CFE-CGC à la formation professionnelle dans le pôle d'Alain. LECANU, en charge de l'emploi et de la formation.
Elle a exercé auparavant au sein du Crédit Lyonnais.

INTERVENTION DE MONA VASSEL :


Les nouvelles règles de la formation continue


LA LOI ET L'ACCORD NATIONAL :

La Loi du 4 mai 2004 a été suivie d'un accord le 20 septembre, qui, reprenant des accords antérieurs a donné naissance à l'Accord National Interprofessionnel du 5 décembre, sur la formation professionnelle tout au long de la vie, signé par huit organisations, cinq organisations syndicales confédérales et trois organisations patronales.

Voir le texte de cet accord à l'adresse : http://www.centre-inffo.fr/v2/cpnfp/NT327642.phtml

C'est un accord tourné vers l'avenir qui a pour objectif l'accompagnement des emplois, des compétences des salariés, tenant compte des pyramides des ages et des parcours professionnels.
Il comporte une clause de " revoyure " tous les 5 ans au plan national, et triennal dans les branches. Il prévoit l'évolution des textes en fonction des besoins recensés.
Malgré la complexité du sujet, il tente à simplifier les choses et à rendre la main aux partenaires sociaux.

Il y avait trois types de contrat d'alternance (orientation, adaptation et qualification), il n'en reste qu'un : le contrat de professionnalisation.

La durée des contrats, les pourcentages de formation théorique seront désormais définis par les partenaires dans les commissions paritaires emploi formation et dans le cadre d'accords de branche. (CPNE)
L'objectif qui correspond à la demande de la CFE-CGC est le maintien et le développement de l'employabilité des salariés. Les observatoires de branches auront la tache de veiller au maintien de cette employabilité en faisant des propositions en fonction de l'évolution des techniques, du marché, mais aussi de la pyramide des ages.
Des salariés qui à 40 ans n'ont pas pu ou su se former et s'adapter, ont tous les risques de ne plus être opérationnels à 50, et encore moins à 60, alors que la loi aujourd'hui prévoit de pouvoir travailler jusqu'à 65 !!!
Les entreprises doivent en être bien conscientes. A nous de leur rappeler. A défaut de possibilités de formations adéquates, les seniors auront tendance à partir de leur entreprise pour d'autres où ils auront plus de possibilités de formation et de maintien de leur employabilité, voir à émigrer vers l'étranger.

LA QUALIFICATION :

Lorsque aujourd'hui on parle d'employés non qualifiés ou sous-qualifiés, il s'agit le plus souvent de non reconnaissance d'une qualification qui ne fait peut être pas partie d'un cursus officiel mais correspond néanmoins à un savoir faire réel, acquis l'expérience. D'où la notion de Validation des Acquis de l'Expérience (VAE), que l'accord veut favoriser. Cette VAE peut aussi concerner des activités dans le cadre d'activités bénévoles, associatives ou syndicales. Le système actuel est complexe et doit être amélioré pour devenir vraiment effectif. Avec les systèmes déjà mis en place au niveau de l'éducation nationale, la complexité est telle pour monter un dossier qu'il faut pour cela au moins un niveau du bac. C'est au niveau des branches que le système devra être relayé.
Mais la VAE ne doit en aucun cas devenir une voie de facilité par rapport aux cursus classiques, mais un moyen de faire reconnaître à sa juste valeur le savoir faire acquis par l'expérience lors du parcours professionnel, et ce devant un jury qualifié.
On peut souligner le peu d'enthousiasme des salariés à demander de la formation. Ce phénomène variable selon les secteurs, peut être attribué notamment à la complexité du système, et au manque d'information des salariés.
Le nouvel accord rend les salariés co-acteurs de leur évolution professionnelle. Mais la majeure partie du financement de la formation professionnelle reste de la responsabilité de l'employeur.
Une partie seulement des fonds destinés à la formation est aujourd'hui gérée paritairement, dans le cadre notamment des OPCA. De plus, les plans de formation des entreprises, contrairement à la demande constante de la CFE-CGC, ne sont le plus souvent pas négociés, mais simplement présentés (quand ils le sont) pour avis aux CE.

L'ENTRETIEN PROFESSIONNEL :

L'accord prévoir également la création de l'entretien professionnel, qui doit être absolument distinct de l'entretien classique d'évaluation (ou de notation).
C'est lors de cet entretien que le salarié devra être informé des possibilités d'évolutions professionnelles, et par conséquent, des possibilités de formation pour lui permettre de se maintenir et de progresser en tenant compte des objectifs et des évolutions de son entreprise, et le cas échéant à l'adaptation de ses compétences à l'évolution de l'entreprise.
Il doit s'agir d'un véritable accompagnement au parcours professionnel du salarié.
Savoir si les objectifs assignés sont remplis ou si le salarié a donné satisfaction n'est pas l'objet de ce type d'entretien.
La conduite de ces entretiens exige évidemment une formation spécifique, que la CFE-CGC demande d'autant plus, que ceux qui devront mener ces entretiens sont essentiellement des cadres, catégorie professionnelle plus spécifiquement concernée (bien que non exclusivement) par la CFE-CGC.
Le bilan de compétence peut également être mis à profit dans ce même but. Mais nous pensons qu'il doit être effectué par un organisme indépendant de l'entreprise, et garder la plus grande confidentialité vis à vis de celle-ci et éviter que les conclusions ne lui soient remises, ce qui implique d'éviter dans ce cas des financements directs, ce qui serait une raison de bloquer les salariés dans une démarche spontanée vers cette solution.

LE PASSEPORT FORMATION :

Ce nouveau document est parfois controversé, mais il s'agit d'un document personnel que le salarié peut remplir lui même, quitte à le faire valider par les organismes qui lui ont prodigué des formations. En aucun cas, il ne doit devenir un instrument de gestion du personnel.
On peut y faire apparaître les diplômes, mais aussi les expériences passées, les postes tenus, les situations spécifiques etc…

LE D I F : (Droit Individuel à la Formation) :

C'est la grande nouveauté de cet accord. C'est le droit pour les salariés à 20 heures annuelles de formation, cumulables sur 6 ans, avec un maximum de 120 heures, dont il pourra disposer pour les formations de son choix.
Ce droit, il pourra le conserver même en cas de changement d'entreprise (transférabilité). L'entreprise a même la possibilité d'abonder à ce droit si elle le désire. Seul le départ en retraite ou un licenciement pour faute lourde peut annuler ce droit. Le salarié peut demander à bénéficier de ce droit pendant le préavis pour faire un bilan de compétence ou pour faire une formation de reconversion

Nota : le défunt C I F devait théoriquement donner droit à des formations, également à la demande du salarié. La pratique a montré que cette "volonté" pouvait être largement "dirigée" par l'employeur, en particulier dans le cas fréquent où des formations, généreusement financées par les OPCA, permettaient de combler des baisses de charges, et ce par des formations pas forcément utiles, imposées de fait par l'entreprise aux salariés " en inter-contrat ".

Le DIF peut toutefois devenir un moyen de récupérer des "exclus" de la formation professionnelle, en particulier pour ceux qui désireraient des formations que l'on ne retrouve pas dans les plans formation de leur entreprise.
C'est un sujet qui peut aussi donner des arguments lors de vos prochaines élections.
Nota : dans certaines professions connaissant des évolutions technologiques rapides, et dont les salariés sont généralement largement diplômés, la consommation des 20h du DIF chaque année serait peut être la meilleure formule.

Les détails d'application restent encore à négocier au niveau de l'inter-pro et des branches.

Au niveau de vos entreprises, ne négociez rien qui ne soit révisable en fonction des décisions qui pourraient être prises ultérieurement au niveau de la branche ou de l'inter-pro.
Il faudra aussi être attentif pour sur ce qui concerne le DIF ne soit pas détourné au profit du plan de formation.

Attention également : il s'agit d'un droit individuel qui en aucun cas ne peut être mutualisé, ni dans l'entreprise, ni dans un OPCA.

Cet Accord National Inter-pro (ANI) contient et encadre des mesures prévoyant la possibilité d'effectuer des actions de formation en dehors du temps de travail effectif dans la limite de 50 ou 80 heures selon les formations.

Les débats actuels tentent de remettre en cause la durée du temps de travail et donc tentent de modifier le contexte dans lequel cet accord a été signé. C'est pourquoi la confédération a décidé de ne plus signer d'accord ou d'avenant jusqu'à nouvel ordre sur la formation. C'est pour cette raison que nous n'avons pas signé les deux accords pour le réseau OPCAREG (avec le MEDEF) et l'AGEFOS (avec la CGPME).

LA CONSULTATION DES C E :

Sur ce point, peu de choses changent. Ils doivent toujours être consultés sur l'orientation de la formation professionnelle, sur les bilans de l'année écoulée et sur les projets de l'année à venir. Trois semaines avant la deuxième réunion, vous devez recevoir les documents correspondants pour pouvoir en discuter. C'est à vous d'agir pour les obtenir.

Mais, si le CE s'est prononcé sur le plan, et qu'en cours d'année des événements font que les objectifs ont notablement dévié, le CE doit être informé et consulté à nouveau.
Nota : une solution est de tenir une réunion de la commission à mi-parcours (juin) pour examiner l'état d'avancement de la réalisation de la formation par rapport au plan présenté par la direction.

Par contre, désormais, dans la présentation du plan de formation, les entreprises doivent distinguer les trois types de formation entreprises :

- Celles qui concernent les formations à l'évolution du poste de travail qui se passent pendant le temps de travail,
- Celles qui sont liées à l'évolution des emplois qui se passent pendant le temps de travail, voire dépassement au dehors s'il y a un accord de branche ou d'entreprise.
- Celles concernant l'amélioration, la création ou l'augmentation de compétences pour le salarié, qui peuvent se passer en dehors du temps de travail, dans la limite de 80 heures par an, sauf si un accord de branche ou d'entreprise définit ce qui est pendant et en dehors du temps de travail.
Cette formation doit s'accompagner d'un contrat, d'un engagement de l'entreprise à apporter une promotion au salarié à la fin de la formation concernée dans la mesure ou elle a été suivie et constatée comme acquise. Mais attention de ne pas vous faire piéger par des détournement du vocabulaire.

Pour un certain nombre de branches comme la banque, cette disposition risque de marquer un recul plutôt qu'un progrès.

QUESTIONS DES PARTICIPANTS


Q : Comment envisagez vous la séparation de l'entretien individuel par la hiérarchie, tel qu'il est pratiqué actuellement et l'entretien professionnel, et comment accorder l'avis d'un expert sur les besoins de formation d'un salarié, et celui de la hiérarchie visant les besoins de son service ?
R : les deux entretiens seront évidemment généralement menés par quelqu'un de la hiérarchie, mais il importe que celui qui fera l'entretien professionnel ait reçu une formation spécifique à cet effet. Il peut s'agir alors aussi dans ce cas d'une personne faisant partie d'une hiérarchie fonctionnelle plutôt qu'opérationnelle.

Q : Les employeurs ont souvent tendance à limiter la formation le plus possible à ce qui est essentiel à l'entreprise et à conserver une enveloppe de dépense constante. Le DIF ne risque-t-il pas de rencontrer de grandes difficultés d'application et ne risque t on pas de voir les crédits formation se réduire pour alimenter les besoins du DIF ?
R : Le DIF reste un droit de tirage du salarié vis à vis de son employeur. De toutes façons l'employeur cherchera toutes les formules pour ne pas dépenser un sou de plus. Il y en a de plus durs que d'autres mais poussés par les centres de formation ils vont essayer de faire glisser le DIF sur le plan de formation. Mais si ce droit au DIF peut être décalé, il ne peut être annulé. Aux représentants syndicaux de veiller à ce que la loi ne soit pas détournée. Il faut aussi souligner que la loi n'autorise pas de provisionnement comptable pour le DIF. De fait, il s'agit d'une obligation dont le financement n'a pas été prévu par les textes. Tout est à inventer.

Q : Quid dans des entreprises où l'évolution de la technologie est très rapide, et où les nouveautés exigent une formation régulière parfois tous les ans pour rester à jour. L'entreprise ne sera t elle pas tentée de puiser dans le DIF pour financer ces formations ?
R : Non, car le DIF est un droit individuel réservé aux demandes du salarié. Les formations dont vous parlez doivent être inclues dans le plan de formation de votre entreprise : il s'agit d'adaptation aux technologies de l'entreprise, donc des formations pendant le temps de travail et financées par elle. Par contre, s'il s'agit d'une augmentation des compétences personnelles, le DIF peut être sollicité par le salarié, et la reconnaissance de l'augmentation des compétences s'il y en a une devra d'autant plus être effective de la part de l'employeur (en particulier coté salaire) que cette formation aura été effectuée tout ou partie en dehors du temps de travail.

Q :Quid de la formation syndicale ?
R :
Le code du travail prévoit un budget destiné à la formation syndicale, complètement indépendant du DIF, et là dessus, il n'y a rien de changé. L'article L451-1 du code du travail prévoit qu'un budget de 0,08 pour 1000 de la masse salariale puisse lui être consacré.

Q :Les jours de RTT peuvent ils être utilisés pour des formations de développement des compétences ?
R :
Cette solution pourrait être une remise en cause des accords RTT. La CFE-CGC reste donc réservée sur ce point. Toutefois, ce pourrait être un argument éventuel de négociation en échange d'autres garanties, par exemple une garantie d'avancement suite à l'acquisition de compétences. L'accord national prévoit d'ailleurs qu'en cas d'exécution d'une formation DIF hors temps de travail, l'employeur doit verser au salarié une allocation exemptée de charges sociales de 50% du salaire correspondant au temps passé à cette formation. (art 2-12 et 2-10-2b de l'accord). De toutes façon, les autres frais doivent être entièrement pris en charge par l'entreprise. Le bilan de compétence et la validation des acquis peuvent être financés par le DIF par exemple pendant la période de préavis lors d'une démission ou d'un licenciement (hors faute lourde).

Q :Dans un certain nombre d'entreprises, on qualifie souvent " formation " des séances d'information sur l'évolution de l'entreprise ou des produits, quand ce n'est pas pour y faire passer des frais de déplacement de commerciaux.
On entend dire qu'en cas de refus multiple d'un DIF par l'entreprise, on pourrait se retourner vers le Fongecif ?

R :
Ce n'est pas un critère d'acceptation . Et même dans ce cas, Fongecif en demanderait le remboursement à l'entreprise.

 

Q :On se trouve parfois en conflit d'intérêt entre la nécessité du maintien de l'employabilité et la charge de travail. Il est parfois difficile de choisir entre une formation prévue de longue date, et l'urgence de travaux exigés par le projet sur lequel on est affecté. C'est d'ailleurs ce qui explique que chez TECHNIP, on arrive à la fin de l'année en ayant réalisé à peine plus de 50% du plan de formation.
R :
C'est aussi le problème de l'entreprise de prévoir les effectifs nécessaires avant de se lancer dans un projet. Repousser pour ce type de raison la formation met en évidence le manque d'intérêt porté au maintien de l'employabilité de son personnel, et la priorité de l'intérêt immédiat au détriment de la marche à moyen et long terme de l'entreprise. La formation c'est un investissement rentable à moyen terme tant pour le salarié que pour l'entreprise. C'est un argument essentiel qu'il faut utiliser dans les négociations, car l'accord national n'est que le premier élément d'une chaîne qu'il va falloir compléter par des accords de branche, puis des accords d'entreprise.

Q :Dans le passé, on a vu de nombreuses personnes qui ont pris volontairement sur leur temps personnel, pour suivre des formation, par exemple au CNAM, et dans certaines entreprises, les frais pédagogiques étaient déjà pris en charge en fonction d'un accord. En ce qui concerne les VAE, il s'avère qu'elles sont extraordinairement difficiles tant à mettre en place qu'à obtenir. Un autre obstacle rencontré, c'est la peur par l'employeur de voir le collaborateur partir ailleurs une fois formé.
R :
Si le collaborateur veut aller ailleurs, c'est peut être parce que son employeur refuse de reconnaître sa vraie valeur qui sera elle reconnue ailleurs. Par contre, la formation en dehors du temps de travail pose aussi le problème du temps pour soi, en particulier pour les femmes, car jusqu'ici, ce sont elles qui passent en moyenne encore plus de temps au niveau de la famille pour s'occuper des couches de bébé et des taches ménagères, ce qui risque de limiter leurs possibilités de formation hors temps de travail. De plus, on peut constater que de nombreux cadres au forfait ne peuvent même plus prendre leurs RTT compte tenu de leur charge de travail.

Q :Quid de la hiérarchie des textes ?
R :
Dans les négociations au niveau de chaque branche, il est essentiel que les textes signés soient normatifs, c'est à dire qu'il ne puisse pas y avoir de dérogation au niveau des entreprises. C'est une sécurité essentielle et une demande de la CFE-CGC.

HB