RENCONTRE DU 8 JANVIER 2004
Invité :
M. Frédéric THORAL DRH dans le groupe CEGETEL et Pt d'UNETEL

M. Frédéric Thoral a 39 ans. Il a débuté chez Rank Xerox puis dans le groupe Bouygues, et depuis 8 ans dans le groupe SFR-CEGETEL.


Intervention de M. Frédéric Thoral

Je viens ici à titre personnel, et il m'est très agréable de pouvoir échanger dans un contexte autre que celui de négociations. Les propos que je vais tenir n'engagent que moi et non la branche
DRH de la direction technique du groupe CEGETEL Je suis président de la fédération patronale des télécommunications : l'UNETEL depuis 3 ans.
Je suis également responsable de " l'Espace Campus "du groupe SFR CEGETEL, et d'un institut de formation aux métiers du management et de formation sociale monté avec nos partenaires sociaux.

L'UNETEL (Union Nationale des Entreprises de TELécommunications, de réseaux et services en télécommunications) existe depuis 6 ans. A cette époque les télécoms étaient une proie convoitée par les fédérations patronales en place que sont SYNTEC et l'UIMM.
Au départ, il y avait deux instances patronales au sein de la fédération, l'une créée par France Télécom et CEGETEL, l'autre par Bouygues. Ma première charge a été de les réunir, ce qui a été fait en avril 2003.

Contrairement aux autres fédérations patronales, elle n'intègre pour l'instant que le champ social, et n'adhère pas au MEDEF.
Nous avons choisi de nous démarquer et de créer un secteur à part, car nous souhaitions créer une convention collective plus moderne, plus réactive, plus créative.
Il n'a fallu que 18 mois pour aboutir à la signature de notre convention collective, le 26 avril 2000, pour une mise en application début 2001. Cette rapidité a bien sûr dû être compensée par la signature de quelques accords complémentaires.
Aujourd'hui, la convention collective couvre 80.000 salariés en France, et 400 entreprises (de l'entreprise unipersonnelle à France Télécom). 70% des employeurs rattachés à notre convention collective adhèrent à la fédération patronale.
Cette convention collective a été élaborée dans un esprit de rénovation du dialogue social. Nous souhaitions sortir du classique de la négociation classification rémunération pour travailler essentiellement sur la partie développement des ressources humaines, de la protection du salarié, de la prévoyance et du dialogue social.
Les négociations ont porté notamment sur la mise en place d'entretiens d'appréciation de performances et de la gestion des parcours professionnels, de la création de l'OPCA de branche (Organisme Professionnel de Collecte Agréé, chargé de la collecte des fonds de formation): l'AUVICOM (http://www.auvicom.asso.fr) et de la CPNIC (Commission Paritaire Nationale d'Interprétation de la Convention)
Dans le cadre de cette convention ont été mis en place " l'Observatoire des Métiers ", et la CPNIC (Commission Paritaire Nationale d'Interprétation)
L'exercice a été d'autant plus difficile que nous avions affaire à des entreprises originaires de branches aussi diverses que France Télécom et sa dualité de fonctionnaires et non fonctionnaires, ou le BTP comme Bouygues etc et une multitude de petites entreprises

FINANCEMENT DU PARITARISME :
Il a été mis en place pour permettre un fonctionnement normal du paritarisme et aider au développement du dialogue social. Une " Taxe " a donc été instituée, et il est notable que plus de 90% des entreprises de la branche cotisent sans problème et volontairement (quelques uns, comme ailleurs ont parfois tendance à " oublier " et doivent être rappelés).

L'OBSERVATOIRE DES METIERS
Il est présidé par un conseil d'administration paritaire. Des permanents ont été embauchés avec des objectifs individuels et collectifs.
La première année a été consacrée à la cartographie des métiers des télécoms. Lors de la seconde année nous avons procédé à la mise en place de la prospective pour les métiers les plus évolutifs. La troisième année a été consacrée à une prospective générale. Il est convenu de se revoir ensuite pour travailler sur les objectifs futurs.

LA DIMENSION SOCIETALE
C'est le troisième chantier que nous nous sommes fixé, avec le principe de ne pas se substituer aux entreprises, mais de leur donner des lignes et des orientations qu'elles pourront adapter à leur contexte. C'est dans cette optique que nous avons signé des accords pour le travail des handicapés (signé par 3 OS sur 5) et un accord sur la santé au travail (signé par les 5 OS) abordant non seulement les risques classiques des métier, mais qui traite également du stress et du harcèlement et des risques liés à l'évolution prévisible des métiers.

SECTEUR INTERNET
Nous avons voulu étendre l'application de la convention collective au secteur internet. Si le début a été difficile, les intéressés n'en voyant pas l'utilité compte tenu de la croissance rapide du secteur, la crise les a rapidement fait changer d'avis, et beaucoup ont trouvé une aide à ce niveau.

PROJETS
Un plan triennal qui coïncide avec le mandat du président) est élaboré pour les négociations concernant l'évolution de la formation professionnelle, sur la retraite et sur l'égalité professionnelle. On poursuit également les travaux sur l'évolution des métiers de la branche.

 


QUESTIONS DES PARTICIPANTS :

Q : Pourquoi l'UNETEL n'adhère pas au MEDEF, et combien le MEDEF coûte aux entreprises ?
R :. Nous n'adhérons pas au MEDEF malgré les sollicitations parce que nous voulons être autonomes et avoir les mains libres dans notre plate-forme patronale et dans notre négociation de convention collective et pour son application.
Combien coûte le MEDEF, il faut leur demander. Pour l'UNETEL, nous avons 4 permanents : une secrétaire générale, une assistante (gardienne du temple) une juriste et une secrétaire administrative. Le budget annuel de cette structure est de 700.000€. Une somme identique est destinée au fonctionnement du paritarisme.

Q :.Quels sont les critères de cotisation pour les entreprise de votre branche?
R :.Les effectifs, avec un plafonnement, pour garantir un minimum de démocratie car il faut éviter qu'une seule entreprise s'approprie la quasi totalité du financement donc des pouvoirs.

Q : Pourquoi les équipementiers télécoms n'intègrent ils pas l'UNETEL ?
R : Ils ont une branche historique et un long vécu qui les rattache à l'UIMM, avec qui nous avons négocié nos périmètres respectifs.

Q : Qu'en est il au niveau européen ?
R :. Il faut rappeler que le secteur télécoms a été longtemps un secteur d'Etat, et ce dans toute l'Europe. Une association de ces opérateurs étatiques existe depuis longtemps. Lorsque France-Telecom nous a proposé de prendre leur place dans ce contexte, nous avons eu un veto de la part des autres organisations, en particulier des opérateurs historiques britanniques. Le contexte de déréglementation européen fait que dans la branche on se retrouve avec des situations sociales particulières, avec un secteur qui vit sur des anciens acquis venant de la fonction publique et les autres régis par le code du travail. Même si nous n'avons pas encore de représentation officielle au niveau européen, cela ne nous empêche pas d'émettre des idées et d'agir en particulier dans le domaine du social, et d'être cités en exemple

Q : On parle de subsidiarité. Que pensez vous des tentatives du MEDEF et dans la foulée de certaines sphères gouvernementales de se servir de ce mot pour détruire le système des conventions collectives ?
R :.Nous souhaitons laisser la priorité aux entreprises dans la négociation de leur environnement. Je ne vois pas la volonté de détruire les conventions collectives, au contraire. J'ai plutôt l'impression que l'on veut de plus en plus faire appel à nous dans le cadre de la réforme sociale que le gouvernement veut mettre en place. Je vois plus une articulation qui éviterait de donner un sur-pouvoir à la branche sur tout et n'importe quoi, au risque de se perdre dans les détails et arriver à des règles inapplicables dans les entreprises. Le rôle de la branche est de donner un minimum de règles, de protections et d'orientations, de donner aux entreprises un " guide line " mais en revanche de favoriser dans ce cadre les négociations au niveau des entreprises. Il faut aller de plus en plus vers une relation de confiance plutôt que dans une situation hypernormée aboutissant à des blocages. Dans la branche, cette approche n'a pas évité la casse, mais a permis que certaines restructurations se passent beaucoup mieux.
En ce qui concerne les orientations Fillon, je dois avouer que cette précipitation m'a un peu surpris, et je n'en vois pas l'utilité.
A l'UNETEL, il y a un consensus social qui veut que la logique d'une signature de branche entraîne la logique de l'application, simplement par le phénomène de réseau.

Q : C'est un peu la même logique qui prime dans la banque. Mais le risque n'est il pas qu'un tel projet d'inversion des normes touche de plus petites entreprises où des patrons " de droit divin " puissent décident ce qu'ils veulent ?
R : Nous n'avons pas l'ancienneté de la banque, mais dans notre structure, nous avons créé un certain nombre de sections par métier, que nous faisons obligatoirement présider par des gens des petites entreprises, ce qui les rend aussi partie prenante.
Le petit entrepreneur est un peu seul face au grand patronat qui lui ferme sa porte et des syndicats qui veulent sa peau. Il faut ouvrir les responsabilités aux petites entreprises. Elles sont demandeuses. De plus, ce sont elles qui créent de l'emploi aujourd'hui en France.

Q : Quel est pour vous le statut du syndicaliste, de l'élu. Lorsque j'ai posé cette question au président du MEDEF il y a quelque mois, il semblait que c'était la première fois qu'il en entendait parler. Nombre d'entre nous s'investissent au service des autres pendant plusieurs mandats, et auraient envie de retourner à la vie professionnelle, en considérant que son entreprise devrait lui être reconnaissante pour avoir œuvré pour l'intérêt collectif, et donc ne pas se voir bloqué dans un parcours professionnel. Or on constate plutôt que quelqu'un qui s'engage vers 45 ans dans cette voie est condamné à y rester jusqu'à sa retraite. Résultat, peu de collègues plus jeunes, pourtant représentatifs et pourtant intéressés, osent se lancer, alors que vous dites vous-même que vous avez besoin de partenaires sociaux représentatifs.
R : En boutade, je dirais que je préfère avoir mon CV plutôt que celui d'un DS. Tout ne vient pas des entreprises, mais aussi de l'adaptation du message des organisations syndicales vers les plus jeunes. C'est aussi vrai pour les syndicats de salariés que pour les organisations patronales.
Il n'est pas souhaitable d'être délégué syndical à vie : on y perdrait le contact avec les réalités mais également ses convictions. Il est important qu'il y ait un renouvellement. Certaines entreprises sont capables de traiter correctement le problème, mais c'est loin d'être le cas général. Il faut inciter nos entreprise à ouvrir leurs portes à des DS qui soient responsables. Mais il est plus facile à une grande entreprisse qu'à une petite de réintroduire un DS dans le circuit professionnel avec de la formation et du coaching. Il faut mener une réflexion sérieuse à ce sujet.

Q : Sur le plan européen, il y a deux centrales reconnues : la CES et la CEC. Quels sont les sujets que vous aimeriez aborder au niveau des discussions européennes et mondiales et quels sont les avantages que l'on peut tirer d'un CE européen ?.
R : Le sujet principal c'est l'emploi. Pas pour faire une loi : c'est le dynamisme des entreprises qui crée l'emploi, pas la loi, qui peut être aidé par des réformes sociales et fiscales. Il y aura toujours des restructurations : il faut les anticiper et préparer les salariés à l'évolution par la formation. Le second point serait d'élargir la vision au delà de l'hexagone et sortir de notre sclérose. Nous manquons beaucoup d'énergie en comparaison de certains voisins.

Q : Le monde du travail et des entreprises doivent évoluer. Mais ceux qui à l'age de 30 ans ont mis en place les grandes innovations qui ont permis l'essor technologique que nous avons connu en ont maintenant 50 et se retrouvent souvent au placard des grandes entreprises quand ce n'est pas à l'ASSEDIC. N'y a t il pas à imaginer une autre évolution pour les fins de carrières ? .
R : Il faut que les entreprises françaises inventent d'autres modes de gestion des fins de carrières. Depuis 25 ans, la France est le pays où le taux d'emploi des 50/55 ans est le plus faible..

Q : Embauchez vous des plus de 45 ans ?
R : Pour CEGETEL, je peux dire oui. Le secteur s'est tellement rapidement développé avec la dérégulation qu'il a fallu embaucher beaucoup de jeunes, mais il a fallu également embaucher des personnes ayant de l'expérience et des capacités de management pour les encadrer.

Propos recueillis et mis en forme par Henri Bussery