Intervention de
M. Frédéric Thoral
Je viens ici à titre personnel, et il m'est très agréable
de pouvoir échanger dans un contexte autre que celui de négociations.
Les propos que je vais tenir n'engagent que moi et non la branche
DRH de la direction technique du groupe CEGETEL Je suis président
de la fédération patronale des télécommunications
: l'UNETEL depuis 3 ans.
Je suis également responsable de " l'Espace Campus "du
groupe SFR CEGETEL, et d'un institut de formation aux métiers du
management et de formation sociale monté avec nos partenaires sociaux.
L'UNETEL (Union Nationale des Entreprises
de TELécommunications, de réseaux et services en télécommunications)
existe depuis 6 ans. A cette époque les télécoms
étaient une proie convoitée par les fédérations
patronales en place que sont SYNTEC et l'UIMM.
Au départ, il y avait deux instances patronales au sein de la fédération,
l'une créée par France Télécom et CEGETEL,
l'autre par Bouygues. Ma première charge a été de
les réunir, ce qui a été fait en avril 2003.
Contrairement aux autres fédérations patronales, elle n'intègre
pour l'instant que le champ social, et n'adhère pas au MEDEF.
Nous avons choisi de nous démarquer et de créer un secteur
à part, car nous souhaitions créer une convention collective
plus moderne, plus réactive, plus créative.
Il n'a fallu que 18 mois pour aboutir à la signature de notre convention
collective, le 26 avril 2000, pour une mise en application début
2001. Cette rapidité a bien sûr dû être compensée
par la signature de quelques accords complémentaires.
Aujourd'hui, la convention collective couvre 80.000 salariés en
France, et 400 entreprises (de l'entreprise unipersonnelle à France
Télécom). 70% des employeurs rattachés à notre
convention collective adhèrent à la fédération
patronale.
Cette convention collective a été élaborée
dans un esprit de rénovation du dialogue social. Nous souhaitions
sortir du classique de la négociation classification rémunération
pour travailler essentiellement sur la partie développement des
ressources humaines, de la protection du salarié, de la prévoyance
et du dialogue social.
Les négociations ont porté notamment sur la mise en place
d'entretiens d'appréciation de performances et de la gestion des
parcours professionnels, de la création de l'OPCA de branche (Organisme
Professionnel de Collecte Agréé, chargé de la collecte
des fonds de formation): l'AUVICOM (http://www.auvicom.asso.fr) et de
la CPNIC (Commission Paritaire Nationale d'Interprétation de la
Convention)
Dans le cadre de cette convention ont été mis en place "
l'Observatoire des Métiers ", et la CPNIC (Commission Paritaire
Nationale d'Interprétation)
L'exercice a été d'autant plus difficile que nous avions
affaire à des entreprises originaires de branches aussi diverses
que France Télécom et sa dualité de fonctionnaires
et non fonctionnaires, ou le BTP comme Bouygues etc et une multitude de
petites entreprises
FINANCEMENT DU PARITARISME :
Il a été mis en place pour permettre un fonctionnement normal
du paritarisme et aider au développement du dialogue social. Une
" Taxe " a donc été instituée, et il est
notable que plus de 90% des entreprises de la branche cotisent sans problème
et volontairement (quelques uns, comme ailleurs ont parfois tendance à
" oublier " et doivent être rappelés).
L'OBSERVATOIRE DES METIERS
Il est présidé par un conseil d'administration paritaire.
Des permanents ont été embauchés avec des objectifs
individuels et collectifs.
La première année a été consacrée à
la cartographie des métiers des télécoms. Lors de
la seconde année nous avons procédé à la mise
en place de la prospective pour les métiers les plus évolutifs.
La troisième année a été consacrée
à une prospective générale. Il est convenu de se
revoir ensuite pour travailler sur les objectifs futurs.
LA DIMENSION SOCIETALE
C'est le troisième chantier que nous nous sommes fixé, avec
le principe de ne pas se substituer aux entreprises, mais de leur donner
des lignes et des orientations qu'elles pourront adapter à leur
contexte. C'est dans cette optique que nous avons signé des accords
pour le travail des handicapés (signé par 3 OS sur 5) et
un accord sur la santé au travail (signé par les 5 OS) abordant
non seulement les risques classiques des métier, mais qui traite
également du stress et du harcèlement et des risques liés
à l'évolution prévisible des métiers.
SECTEUR INTERNET
Nous avons voulu étendre l'application de la convention collective
au secteur internet. Si le début a été difficile,
les intéressés n'en voyant pas l'utilité compte tenu
de la croissance rapide du secteur, la crise les a rapidement fait changer
d'avis, et beaucoup ont trouvé une aide à ce niveau.
PROJETS
Un plan triennal qui coïncide avec le mandat du président)
est élaboré pour les négociations concernant l'évolution
de la formation professionnelle, sur la retraite et sur l'égalité
professionnelle. On poursuit également les travaux sur l'évolution
des métiers de la branche.
QUESTIONS DES PARTICIPANTS :
Q : Pourquoi l'UNETEL n'adhère
pas au MEDEF, et combien le MEDEF coûte aux entreprises ?
R :. Nous n'adhérons pas au
MEDEF malgré les sollicitations parce que nous voulons être
autonomes et avoir les mains libres dans notre plate-forme patronale et
dans notre négociation de convention collective et pour son application.
Combien coûte le MEDEF, il faut leur demander. Pour l'UNETEL, nous
avons 4 permanents : une secrétaire générale, une
assistante (gardienne du temple) une juriste et une secrétaire
administrative. Le budget annuel de cette structure est de 700.000€.
Une somme identique est destinée au fonctionnement du paritarisme.
Q :.Quels sont les critères
de cotisation pour les entreprise de votre branche?
R :.Les effectifs, avec un plafonnement,
pour garantir un minimum de démocratie car il faut éviter
qu'une seule entreprise s'approprie la quasi totalité du financement
donc des pouvoirs.
Q : Pourquoi les équipementiers
télécoms n'intègrent ils pas l'UNETEL ?
R : Ils ont une branche historique
et un long vécu qui les rattache à l'UIMM, avec qui nous
avons négocié nos périmètres respectifs.
Q : Qu'en est il au niveau européen
?
R :. Il faut rappeler que le secteur
télécoms a été longtemps un secteur d'Etat,
et ce dans toute l'Europe. Une association de ces opérateurs étatiques
existe depuis longtemps. Lorsque France-Telecom nous a proposé
de prendre leur place dans ce contexte, nous avons eu un veto de la part
des autres organisations, en particulier des opérateurs historiques
britanniques. Le contexte de déréglementation européen
fait que dans la branche on se retrouve avec des situations sociales particulières,
avec un secteur qui vit sur des anciens acquis venant de la fonction publique
et les autres régis par le code du travail. Même si nous
n'avons pas encore de représentation officielle au niveau européen,
cela ne nous empêche pas d'émettre des idées et d'agir
en particulier dans le domaine du social, et d'être cités
en exemple
Q : On parle de subsidiarité.
Que pensez vous des tentatives du MEDEF et dans la foulée de certaines
sphères gouvernementales de se servir de ce mot pour détruire
le système des conventions collectives ?
R :.Nous souhaitons laisser la priorité
aux entreprises dans la négociation de leur environnement. Je ne
vois pas la volonté de détruire les conventions collectives,
au contraire. J'ai plutôt l'impression que l'on veut de plus en
plus faire appel à nous dans le cadre de la réforme sociale
que le gouvernement veut mettre en place. Je vois plus une articulation
qui éviterait de donner un sur-pouvoir à la branche sur
tout et n'importe quoi, au risque de se perdre dans les détails
et arriver à des règles inapplicables dans les entreprises.
Le rôle de la branche est de donner un minimum de règles,
de protections et d'orientations, de donner aux entreprises un "
guide line " mais en revanche de favoriser dans ce cadre les négociations
au niveau des entreprises. Il faut aller de plus en plus vers une relation
de confiance plutôt que dans une situation hypernormée aboutissant
à des blocages. Dans la branche, cette approche n'a pas évité
la casse, mais a permis que certaines restructurations se passent beaucoup
mieux.
En ce qui concerne les orientations Fillon, je dois avouer que cette précipitation
m'a un peu surpris, et je n'en vois pas l'utilité.
A l'UNETEL, il y a un consensus social qui veut que la logique d'une signature
de branche entraîne la logique de l'application, simplement par
le phénomène de réseau.
Q : C'est un peu la même logique
qui prime dans la banque. Mais le risque n'est il pas qu'un tel projet
d'inversion des normes touche de plus petites entreprises où des
patrons " de droit divin " puissent décident ce qu'ils
veulent ?
R : Nous n'avons pas l'ancienneté
de la banque, mais dans notre structure, nous avons créé
un certain nombre de sections par métier, que nous faisons obligatoirement
présider par des gens des petites entreprises, ce qui les rend
aussi partie prenante.
Le petit entrepreneur est un peu seul face au grand patronat qui lui ferme
sa porte et des syndicats qui veulent sa peau. Il faut ouvrir les responsabilités
aux petites entreprises. Elles sont demandeuses. De plus, ce sont elles
qui créent de l'emploi aujourd'hui en France.
Q : Quel est pour vous le statut
du syndicaliste, de l'élu. Lorsque j'ai posé cette question
au président du MEDEF il y a quelque mois, il semblait que c'était
la première fois qu'il en entendait parler. Nombre d'entre nous
s'investissent au service des autres pendant plusieurs mandats, et auraient
envie de retourner à la vie professionnelle, en considérant
que son entreprise devrait lui être reconnaissante pour avoir uvré
pour l'intérêt collectif, et donc ne pas se voir bloqué
dans un parcours professionnel. Or on constate plutôt que quelqu'un
qui s'engage vers 45 ans dans cette voie est condamné à
y rester jusqu'à sa retraite. Résultat, peu de collègues
plus jeunes, pourtant représentatifs et pourtant intéressés,
osent se lancer, alors que vous dites vous-même que vous avez besoin
de partenaires sociaux représentatifs.
R : En boutade, je dirais que je préfère
avoir mon CV plutôt que celui d'un DS. Tout ne vient pas des entreprises,
mais aussi de l'adaptation du message des organisations syndicales vers
les plus jeunes. C'est aussi vrai pour les syndicats de salariés
que pour les organisations patronales.
Il n'est pas souhaitable d'être délégué syndical
à vie : on y perdrait le contact avec les réalités
mais également ses convictions. Il est important qu'il y ait un
renouvellement. Certaines entreprises sont capables de traiter correctement
le problème, mais c'est loin d'être le cas général.
Il faut inciter nos entreprise à ouvrir leurs portes à des
DS qui soient responsables. Mais il est plus facile à une grande
entreprisse qu'à une petite de réintroduire un DS dans le
circuit professionnel avec de la formation et du coaching. Il faut mener
une réflexion sérieuse à ce sujet.
Q : Sur le plan européen,
il y a deux centrales reconnues : la CES et la CEC. Quels sont les sujets
que vous aimeriez aborder au niveau des discussions européennes
et mondiales et quels sont les avantages que l'on peut tirer d'un CE européen
?.
R : Le sujet principal c'est l'emploi.
Pas pour faire une loi : c'est le dynamisme des entreprises qui crée
l'emploi, pas la loi, qui peut être aidé par des réformes
sociales et fiscales. Il y aura toujours des restructurations : il faut
les anticiper et préparer les salariés à l'évolution
par la formation. Le second point serait d'élargir la vision au
delà de l'hexagone et sortir de notre sclérose. Nous manquons
beaucoup d'énergie en comparaison de certains voisins.
Q : Le monde du travail et des entreprises
doivent évoluer. Mais ceux qui à l'age de 30 ans ont mis
en place les grandes innovations qui ont permis l'essor technologique
que nous avons connu en ont maintenant 50 et se retrouvent souvent au
placard des grandes entreprises quand ce n'est pas à l'ASSEDIC.
N'y a t il pas à imaginer une autre évolution pour les fins
de carrières ? .
R : Il faut que les entreprises françaises
inventent d'autres modes de gestion des fins de carrières. Depuis
25 ans, la France est le pays où le taux d'emploi des 50/55 ans
est le plus faible..
Q : Embauchez vous des plus de 45
ans ?
R : Pour CEGETEL, je peux dire oui.
Le secteur s'est tellement rapidement développé avec la
dérégulation qu'il a fallu embaucher beaucoup de jeunes,
mais il a fallu également embaucher des personnes ayant de l'expérience
et des capacités de management pour les encadrer.
Propos
recueillis et mis en forme par Henri Bussery
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