Intervention
de M. Fernand VIDIS
Il faut tout d'abord préciser que les caisses régionales
sont toujours considérées comme filiales de la caisse
nationale " Crédit Agricole SA ", qui est la seule
en tant que structure du holding, qui est de fait concernée par
la fusion.
J'ai exercé pratiquement toutes les fonctions syndicales et électives
au Crédit Lyonnais, et en 1990, j'étais secrétaire
du comité d'établissement du siège et des annexes,
qui recouvrait 8 000 personnes, et employait près de 200 salariés.
Depuis plusieurs années, le SNB CGC enregistre
des progrès électoraux, et cette année, pour la
première fois, nous sommes devenus la seconde organisation syndicale
derrière la CFDT, et grâce à l'alliance avec FO
et la CFTC, avons obtenu le secrétariat du Comité central
d'Entreprise, où nous succédons à une alliance
CFDT CGT qui y a régné sans partage depuis 50 ans. La
succession n'est pas une mince affaire , car il s'agit d'une véritable
entreprise à gérer, et l'audit en cours n'est pas sans
laisser apparaître quelques surprises quant à la gestion
passée.
Le budget des uvres sociales du CE de l'entreprise s'élève
à 2,0823% de la masse salariale. Il y a plus de 180 personnes
au CE du siège, et gère les restaurants d'entreprise parisiens.
Le Comité central d'entreprise emploie environ 80 salariés,
pour sa structure centrale et la gestion des 12 centres de vacances
(les immeubles , sont propriété de l'entreprise, mais
la gestion en est assurée par le CCE).
Si l'on reprend l'histoire du passé plus ou moins sulfureux du
Crédit Lyonnais, en 1993, nous étions 43000. Aujourd'hui,
nous ne sommes plus que 29000. Les réductions d'effectifs ont
été opérées dans les travaux "à
moindre valeur ajoutée " Le CL a de plus en plus recours
à la sous-traitance, en surveillant de près les coûts,
et en choisissant systématiquement le moins cher, au détriment
éventuel de la qualité du travail.
1994 - 1999 a été la période noire de la banque,
avec l'aide de l'Etat, le recadrage stratégique, la réduction
des coûts, et les exigences de Bruxelles, qui vont faire du Crédit
Lyonnais une petite banque. Toute l'activité à l'étranger
qui n'est pas essentielle sera vendue. Toutes les structures européennes
ont été vendues sauf celle (35 personnes) du Luxembourg.
L'étape suivante a été la privatisation et l'espoir
de pouvoir à nouveau vivre indépendant une fois le rétablissement
économique effectué. Ce rétablissement arrivera
rapidement, et nous rejoindrons le peloton de tête de la rentabilité
des grandes banques comme ABN, Barklay's ou la BNP, pendant que certaines
comme la Commerzbank ou la Deutsch-Bank continuaient à avoir
des soucis de rentabilité.
Dans les années qui viennent, si la fermeture de quelques agences
est programmée, l'ouverture de 100 nouvelles agences sur trois
ans est prévue, dans les bassins d'emploi en développement.
Les activités sont progressivement regroupées par métiers,
avec une concentration des moyens sur les métiers à forte
spécificité (par exemple, les successions sont regroupées
à Bordeaux, les prêts immobiliers à Marseille etc..)
Les embauches respectent l'égalité hommes - femmes, tant
en nombre que sur le plan des salaires. Toutefois, au bout de deux ans
après l'embauche, on note encore l'apparition de décrochage
tant du point de vue de l'évolution des salaires que des responsabilités.
En parallèle à la banque des particuliers et des professionnels,
nous avons une branche banque d'investissement, certes plus modeste
que Crédit Agricole Indo-Suez, mais qui pilote les participation
à l'étranger. Le secteur des entreprises du " middle
market " (celles qui ne sont pas au CAC 40) a également
été restructuré, afin d'améliorer la proximité
avec elles, et se rapprocher ainsi des méthodes du Crédit
Agricole.
Si un certain nombre d'activités sont analogues à celles
du Crédit Agricole et seront susceptible de connaître des
opérations de restructuration dans les mois et les années
à venir, d'autres sont plus spécifiques au Crédit
Lyonnais, telles que FINALION dédié aux créances
difficiles, INTERFIMO spécialement dédié au milieu
médical ou THEMIS, réservé aux administrateurs
judiciaires. Il y a aussi EUROFACTOR, société de factoring
en association avec les AGF, qui de ce fait ne pourra pas en l'état
actuel faire partie de cette intégration.
Il est certain que compte tenu du prix d'achat élevé payé
par le Crédit Agricole, on sera amené à une recherche
de réduction de coûts, mais tout en essayant de minimiser
le coût social.
On peut estimer à 4600 le nombre de postes qui seront supprimés
dans les années à venir, dont 2800 en France. 2000 salariés
du Crédit Lyonnais devraient rejoindre également les structures
du Crédit Agricole Indosuez , ce qui ne sera pas sans poser quelques
problème compte tenu des conventions collectives différentes.
Mais la première conséquence que l'on peut observer, c'est
une bataille à couteau tiré entre les patrons.
La période de rapprochement devrait s'étaler jusqu'en
fin 2004. Nous venons de signer un accord qui met en place une structure
paritaire entre CAI et CL, qui intervient en concertation et reçoit
les informations en amont des IRP.
Ce comité est composé de membres de syndicats provenant
à parité égale des deux entités (50% CL,
50% CAI, alors que la loi aurait permis de n'avoir que des représentants
de la société absorbante).
Un groupe d'accompagnement du Plan Social d'Entreprise ainsi qu'un groupe
de négociation sur l'emploi sont mis en place pour étudier
avec l'aide de cabinets extérieurs les possibilités de
mobilité géographique et de reclassement.
ANECDOTE HISTORIQUE :
C'est au Crédit Lyonnais que les femmes ont été
autorisées pour la première fois à manipuler de
l'argent.
Au cours de la première guerre mondiale les self services ont
été inventés dans les restaurants du Crédit
Lyonnais pour servir les soldats américains. Ils ont remporté
chez eux la formule et l'ont largement développée et rapportée
en Europe lors de la seconde guerre mondiale. On connaît la suite.
QUESTIONS DES PARTICIPANTS
:
Q : Que recouvre le
budget des uvres sociales du CE (ou du CCE ?
R : Dans ce budget, il faut compter
1/3 réservé à la gestion des restaurants d'entreprise
de la région parisie,nne. Le reste est destiné aux activités
sociales classiques des CE.
Q : Quelles structures
sont prévues pour les syndicats après la fusion .?
R : Chaque organisation conservera
son identité propre et son indépendance. (soit CL, soit
CAI). Les mutations du CA vers CAI se feront dans le cadre du L 122-12,
et de ce fait les élus SNB du CL perdront alors leurs mandats.
Q : Notre expérience
tend à prouver que la pratique syndicale dans l'entreprise dépend
de son importance et de son influence. Dans votre entreprise, au niveau
de la pratique syndicale, exigez vous l'adhésion au préalable
de toute aide ou consultation d'un salarié ?
R : C'est une technique utilisée
par certaines sections syndicales mais qui ne peut être pratiquée
que dans des sections nombreuses et puissantes. C'est un choix à
faire au niveau de la section en fonction des circonstances. Pour notre
part, nous pensons qu'il faut une mixité entre le conseil, le
service et la défense du personnel.
Nota : Plus un
groupe est important, plus l'utilité d'un syndicalisme actif
est évidente. Il faut considérer trois éléments
: le nombre d'adhérents, le résultat aux élections
et l'influence auprès de la direction. Chacun est important,
mais le résultat aux élections est finalement l'essentiel.
Q : Les fusions et
réorganisations, surtout dans les grandes entreprises s'accompagnent
généralement de diminutions d'effectifs et de plans sociaux.
Que pouvez vous faire en tant que syndicat pour changer la donne et
avez vous suffisamment de poids pour aider à résoudre
les problèmes individuels qui se poseront inévitablement
?
R : Le schéma de rapprochement
choisi est celui qui devrait être le moins pénalisant possible.
Malgré 4600 départs prévus, il n'y aura pas de
départ contraint, et la pyramide des âges permet d'absorber
le départ de 2800 personnes. Avec le blocage des embauches.
Toutefois, il faudra tenir compte que le blocage des embauches pendant
deux ou trois ans risque de poser d'énormes problèmes
dans l'avenir, et que compte tenu de l'évolution des techniques,
l'embauche de jeunes ne pourra pas être bloquée de manière
absolue sans risques graves pour l'avenir de l'entreprise.
D'autre part, il faut prévoir des mesures d'accompagnement qui
soient à la hauteur du processus mis en place. Les départs
seront pour une bonne part dans le cadre du CATS avec l'aide de l'Etat
(qui fonctionne jusqu'en 2006) ou des départs en préretraite.
Une fois de plus, c'est le contribuable qui devra participer à
l'opération.
Compte tenu de notre accord sur le droit syndical, la structure du SNB
CGC de l'entreprise compte 7 permanents sur Paris et 9 en région,
et si on y ajoute les heures de délégation, on arrive
à une équipe d'environ 30 personnes qui actuellement sont
mobilisées sur le terrain pour travailler à ce rapprochement.
Q : Ce que peuvent
faire les syndicats, c'est tester les chiffres annoncés pour
réaliser les synergies nécessaires. Les directions ne
présentent trop souvent que les synergies de coûts, rarement
celles pouvant engendrer profits et développements. Que peut
on faire quand l'entreprise gagne de l'argent et que les suppressions
d'emploi ne sont pas une question de survie pour l'entreprise ? On peut
rappeler à ce sujet le rachat d'INDOSUEZ alors au bord de la
faillite par le Crédit Agricole ; Ce n'est pas le cas aujourd'hui
pour la BFI ; il y a donc des éléments économiques
incontestables pour contester ces licenciements, et exiger s'ils sont
maintenus, les compensations substantielles.
R :.Bien sûr, mais la situation
est beaucoup plus préoccupante pour nos collègues de l'étranger,
qui ne sont pas comme en France protégés par des conventions
collectives, mais un droit du travail local généralement
beaucoup moins protecteur. Il y a donc toutes les chances de voir partir
des salariés locaux, peu d'expatriés.
Mais il faut avant tout qu'un plan de développement sur deux
ans nous soit présenté, précisant combien d'emplois
devraient être sauvegardés. Nous avons déjà
obtenu une première information comme quoi 500 postes seraient
sauvegardés sur les 2800 licenciements prévus en France.
Mais ces informations sont données au compte goutte.
Si une synergie a été mise en place et fonctionne entre
les CGC du Crédit Lyonnais et du Crédit Agricole, une
organisation analogue a vu le jour à la CGT, mais pas à
la CFDT, la situation est moins claire, car les adhérents de
ce syndicat sont en désaccord avec leurs dirigeants nationaux
; quant à FO, même si nous avons une collaboration active
avec eux au niveau du CCE, leur politique au niveau de la fusion n'est
pas claire ni évidente. Quant à la CFTC, peu présente
au Crédit Lyonnais, un peu plus au Crédit Agricole, elle
semble être pilotée par des personnes qui ont du syndicalisme
une vision plus personnelle que collective.
Nota : Lorsque
la banque Indosuez a été rachetée par le Crédit
Agricole, les sections syndicales CFE-CGC se sont mises immé-diatement
en rapport pour travailler ensemble et ont fait des déclarations
communes dès les premiers CE. Les directions ont été
étonnées et nous ont demandé si nous nous étions
vraiment rencontrés. Maintenant, ils savent que nous sommes en
contact permanent et qu'ils ne peuvent pas essayer de nous diviser en
racontant des choses différentes aux uns et aux autres. Cette
entente entre nous est essentielle et représente une force incontestable.
Cette situation est très différente dans les entreprises
dont la direction se trouve par exemple aux USA, où les relations
sont plus difficiles.
Chez IBM ; il existe un comité de groupe européen, dont
le rôle est plutôt d'établir des relations intersyndicales,
et faire profiter à tous des avancées dans chacun des
pays. On rencontre évidemment le problème classique de
manque de correspondants cadres dans les autres pays. Cependant, nous
sommes régulièrement contactés par nos collègues
étrangers lors de rachats de sociétés d'outsourcing,
surtout dans les pays francophones. Mais, lorsque les décisions
sont prises directement aux USA, comme cela se passe chez NCR on n'a
plus vraiment de possibilité d'intervention.