Intervention de Monsieur
Jean Louis BEFFA
Saint
Gobain aujourd'hui et son évolution.
Je préside le groupe depuis sa privatisation en 1986.
Saint-Gobain était déjà diversifié, mais
avec une certaine homogénéité de métiers,
et une cohérence, alliant à la fois centralisation et
décentralisation.
Depuis nous avons cédé près de la moitié
des métiers qui étaient les nôtres à l'époque
: l'ensemble du BTP, qui est très largement devenu la base de
VINCI (l'ex Générale d'Entreprise), le papier bois, qui
pour l'essentiel a rejoint le groupe irlandais Smurfit, et la mécanique
de Pont à Mousson, elle même issue de diversifications
relativement récentes et peu homogènes. C'était
des métiers dans lesquels nous n'étions pas suffisamment
en position de leader. Nous n'y avions pas une dimension internationale,
et ne mettions pas en uvre une technologie qui nous soit spécifique.
Nous avons gardé les métiers historiques (le verre de
Saint Gobain et la fonte de Pont à Mousson, réunis dans
la fusion de 1970).
Ce qui représentait alors 50% du groupe est devenu le 1/3 aujourd'hui
; les deux autres tiers ont été acquis depuis, soit plus
de 900 sociétés et 100 000 salariés.
Dans une première phase, nous avons développé nos
activités historiques à l'international, en commençant
par le verre creux, avec l'acquisition d'une société américaine
qui a fait de nous le second sur le marché américain et
sur le marché mondial. Cette expansion s'est concentrée
sur un choix de pays émergeants : Pologne, République
Tchèque, Mexique, Brésil, Chine, Corée, et l'Inde
(où nous sommes le premier investisseur Français).
Dans le même temps, nous sommes passés dans beaucoup de
ces métiers d'un produit relativement banalisé, à
une approche de produits plus spécialisés, avec un plus
fort contenu de service et une approche plus centrée sur le marketing.
Le groupe, auparavant très centré sur l'usine et la production,
a évolué vers le service et le client.
Nos métiers historiques avaient le défaut d'un taux de
croissance intrinsèque trop faible (proche du PNB), et nos parts
de marché étaient telles que la croissance externe dans
ces métiers était difficile.
C'est pourquoi nous avons racheté deux grands métiers,
pour combler cette lacune stratégique.
Le rachat de Norton apportait un contenu un peu plus technologique au
verre (céramiques techniques et industrielles, plastiques de
haute performance, et les abrasifs). Ce secteur correspond actuellement
à environ 15% du groupe. Du fait de leur plus grande technicité
et de leurs caractéristiques, les produits de ce secteur permettent
un transport plus facile et les productions sont moins liées
à des contraintes régionales, et leur marché est
mondial. C'est aussi des secteurs où les possibilités
de croissance externe sont notables.
Nous avons voulu aller au delà de l'industriel producteur, et
devenir distributeur. Aujourd'hui, dans le rapport de force entre la
production et la distribution, cette dernière possède
plus d'atouts. Nous avons donc acquis LAPEYRE pour le grand public et
POINT-P pour les professionnels, c'est à dire les deux leaders
nationaux du secteur des matériaux de construction. Dans la continuité
de notre politique d'internationalisation, en 2000, nous avons acheté
le N°1 anglais (Jewson) et le N° 1 allemand (Rab Karcher) pour
devenir le N°1 Européen et constituer en 6 ans un C A de
10 milliards d'Euros., ce qui nous a porté à la première
place en Hollande, en Pologne et en république Tchèque.
Au Brésil, nous avons acheté le N°2 plus axé
sur l'aménagement de la maison (Tela-Nortake)...
Nous avons constitué une réserve, en vue des différents
procès aux USA concernant l'amiante. Il faut rappeler l'usage
qui autorise les avocats dans ce pays de choisir le juge qui devra traiter
d'une affaire, et leur choix se porte généralement sur
les plus généreux en indemnité, sachant que leur
revenu sont prélevés au pourcentage sur ces indemnisations
(pour notre part, 40% d'une centaine de millions de dollars en 2002
sont allés directement dans la poche des sociétés
d'avocats). 2500 sociétés américaines, dont les
plus importantes sont confrontées à ces litiges. Un projet
de fonds de règlements sur des bases plus raisonnables est en
cours d'élaboration au congrès. Il faut rappeler que la
législation américaine permet de porter plainte et de
demander des indemnités même si l'on est pas concerné
personnellement.
La distribution représente 1/3 du CA, 25% de l'ensemble des capitaux
investis, et 20% des capitaux opérationnels.
Le groupe repose désormais sur un trépied équilibré,
dont tous les métiers génèrent plus d'argent qu'ils
n'en ont besoin pour s'auto-développer.
Tout cet ensemble est géré dans un souci de stabilité
et de dialogue dans les relations du travail, car nous avons foi dans
le dialogue social dans notre entreprise.
A ce sujet, depuis 1982, je viens personnellement expliquer la stratégie
du groupe au Comité Central d'Entreprise et au Comité
Européen, ce que je considère dans l'intérêt
même de l'entreprise.
La
mondialisation :
C'est un phénomène qui s'impose à toutes les entreprises.
On peut constater qu'il existe sur la planète des zones où
les hommes travaillent efficacement pour des salaires nettement inférieurs
à ceux de nos pays (en Europe de l'Est 20% des niveaux de salaire
français, 4% en Chine, 10% au Mexique.
La planète est aujourd'hui complètement connectée.
Pour les produits transportables, le coût du transport par bateau
est très faible : le transport d'un container de Shanghai au
Havre est moins cher que le transport par rail du Havre à Nancy.
Ce n'est pas une baisse des charges qui pourrait rétablir l'équilibre.
L'avenir des usines française : Les cas sont à examiner
métier par métier. En ce qui concerne Saint Gobain, je
pense que nous aurons assez peu à délocaliser, en particulier
parce que nombre de nos produits ont un fort coût de transport
(verre creux ou laine de verre par exemple). Par contre, on voit de
plus en plus de concurrence apparaître dans des pays en développement,
par exemple cette société chinoise, qui en dix ans, dans
le secteur des produits Pont à Mousson, a acquis une capacité
de production équivalente à notre groupe et a pris 1/3
du marché mondial de l'exportation. Ce phénomène
va se reproduire dans de nombreux métiers. Ce défi n'est
pas à sous-estimer.
Pour Saint-Gobain, il est peu vraisemblable que nous ayons à
fermer beaucoup d'usines en France, sinon à améliorer
l'automatisation, et les spécialiser. Fermer une usine n'est
pas une opération brillante puisque c'est en fait rayer du capital
investi. Par contre pour les 5 prochaines années, toutes les
nouvelles usines seront toutes dans les pays émergeants. C'est
un phénomène qui touche autant la France que l'Angleterre,
l'Allemagne ou les USA.
Ce phénomène ne signifie pas qu'il y aura moins d'emplois
en France puisque les emplois de production perdus seront largement
compensés par ceux créés dans le secteur des services.
Notre distribution crée plus d'emplois que nous n'en supprimons
dans le secteur industriel.
Il est donc essentiel d'attirer en France les services tertiaires de
qualité
L'adaptation pourra toucher 10 à 20% des effectifs de notre groupe
dans une période de 6 à 7 ans, ce qui correspond à
un impact bien moins important que n'a eu l'automatisation des usines
dans les années passées ; mais il est essentiel de l'expliquer
à notre personnel et notre encadrement.
Le
" capitalisme financier " :
Saint-Gobain a vécu depuis 82 la période des nationalisations,
où nous avons retrouvé notre compétitivité
grâce aux restructurations différées auparavant,
puis 10 années de participations croisées, qui ont permis
d'effectuer les mouvements stratégiques, qui ont permis de faire
des investissements à long terme, avec une rentabilité
différée. La fin de ce système peut être
daté par la prise de contrôle d'UAP par AXA. Cette période
a permis d'être mieux préparé que nos concurrents
allemands par exemple. Depuis, Saint Gobain a environ 44% d'actionnaires
institutionnels étrangers, et des institutionnels Français
(Cies d'assurances et SICAV) dont la pensée est peut être
un peu trop clonée sur celle des américains.
Sommes nous capables et voulons nous conserver un modèle économique
et social proprement Européen qui ne soit pas une copie d'un
modèle américain ?
Ce modèle est efficace dans le contexte américain, pays
d'immigration et de " destruction créatrice ", de fortes
inégalités sociales; il n'est conforme ni à notre
histoire ni à nos traditions sociales. Il n'est pas efficace
pour nos entreprises.
A ce titre je me suis engagé personnellement auprès de
Bruxelles pour que les entreprises puissent se défendre contre
une OPA hostile, alors que le commissaire hyper libéral néerlandais
Buckenstein, voudrait imposer un système directement inspiré
du système anglo-saxon. Ce débat ne doit pas laisser les
syndicalistes indifférents car il engage l'avenir de nos entreprises
et de l'actionnariat salarié, et plus globalement notre modèle
économique et social.
Si nous laissons se développer ou si nous défendons le
modèle américain basé sur le financier, nous ne
serons pas accepté par le corps social. C'est un enjeu d'efficacité
en même temps qu'un enjeu de société.
QUESTIONS DES PARTICIPANTS
:
:
Q : Que représente
l'actionnariat salarié dans le capital de Saint Gobain?
R : Il représente 7% du capital
soit700 millions d'Euros ; lors de la baisse du cours de bourse, je
me suis senti fortement responsable vis à vis d'eux. Heureusement,
dans notre plan d'épargne s'il n'y a eu aucune perte, il y a
eu beaucoup moins de gains qu'on aurait pu l'espérer. Les actionnaires
salariés représentent compte tenu des droits de vote double
7% des droits de vote. C'est donc l'actionnaire le plus important du
groupe.
Q : Y a t il un représentant
des actionnaires salariés au CA de votre groupe?
R : Nous avons un représentant
au conseil d'administration, qui est élu par les actionnaires
salariés.
Q : Dans les filiales
de groupes américains, c'est la vision du capitalisme pur et
dur qui prévaut, sans considération pour les problèmes
humains?
R : Ce que je refuse c'est un impérialisme
intellectuel qui affirme qu'un seul système puisse prévaloir,
et qu'il faut défendre le notre.
Q : Trop souvent,
les PDG de grands groupes se contentent de se faire représenter
auprès des instances des comités centraux ?
R : Pour ma part, je m'efforce d'assister
personnellement au Comité de groupe et comité Européen
Q : Dans le cas de
maladies professionnelles, les tribunaux de sécurité sociale
ont à trancher entre un accident normal ou dû à
une faute inexcusable de l'employeur.(dans ce dernier cas, les pénalités
encaissées par l'assuré sont doublées). Il était
d'habitude de considérer la faute grave à partir du moment
ou le danger étant connu, l'entreprise n'avait pas pris les mesures
nécessaires. Un arrêt de cassation récent remet
en cause ce principe considérant que dès avant la parution
du décret instituant la dangerosité du cas, l'entreprise
aurait dû le savoir et de ce fait doit être pénalisée.
?
R : La jurisprudence prise par la
chambre sociale de la Cour de cassation me paraît une aberration,
et nous demanderons au parlement de la réformer. Cet arrêt
maintient la faute inexcusable non pas parce que l'entreprise n'a pas
pris toutes les mesures qu'elle pouvait prendre, mais parce qu'elles
se sont avérées inefficaces. Ce que visait la chambre
sociale, c'est que dans tous les cas il y ait indemnisation, pensant
que les entreprises pourraient s'assurer contre ces risques.
Dans le cas de l'amiante et de Saint Gobain, le problème concerne
une quarantaine de personnes, ce qui est peu compte tenu de l'entreprise,
mais qui est encore beaucoup trop. Mais c'est sans commune mesure avec
les USA, où par le biais de la justice et d'un peu de chantage,
on essaie de soutirer de l'argent de 80 entreprises à la fois.
En ce qui concerne les problèmes causés par l'amiante,
ce sont plus des ouvriers d'entreprises utilisatrices (construction
navale, locomotives etc
) dont l'activité comportait une
ambiance de poussière d'amiante qui sont concernés plus
que nos usines, où le dépoussiérage a été
très rapidement installé, et l'amiante bloquée
dans du ciment. De plus, les problèmes étaient surtout
dus à certaines catégories d'amiante qui ont été
rapidement interdites (Nota : en 1971 pour l'amiante bleue particulièrement
cancérigène).
Q : Dans le groupe
Vivendi, les salariés ont été fortement incités
à l'actionnariat salarié par des abondements et restent
prisonniers du système pendant 5 ans, contrairement aux autres
actionnaires qui peuvent revendre à tout moment, et ont énormément
perdu de leur épargne avec les évènements que l'on
connaît. N'y a t il pas une solution pour sécuriser l'épargne
des salariés placée en action de leur société?
R : Il est important que l'entreprise
ait une pédagogie vis à vis de ses salariés sur
les risques de la bourse. Dans le cas de Saint Gobain, nous avons été
surpris par l'importance de la baisse du cours. On peut limiter les
risques en faisant une offre tous les ans, et à un niveau relativement
modéré. La décote et un bon abondement permettent
aussi de limiter les risques
Il peut être aussi proposé une opération avec "
effet de levier ", qui fait que le salarié ne perdra jamais.
Nous avons offert cette option à nos salariés cette année,
bien qu'elle soit coûteuse pour l'entreprise. le salarié
touchera 60% de la hausse du cours sur la somme investie multipliée
par 10, et en cas de baisse du cours, il y a la garantie de retrouver
sa mise +2% d'intérêt.
Nota : il existe aussi des possibilités de placement en action
garanti par un contrat d'assurance tel qu'il existe à TECHNIP,
le financement de l'assurance étant pris soit sur l'abondement
soit sur les dividendes futurs ou les deux.
Q : L'émission
CAPITAL hier sur M6 a longuement évoqué la pratique des
" golden parachutes " dans les entreprises du CAC 40. Qu'en
pensez vous?
R : Je n'ai pas vu l'émission,
mais je n'en ai pas. En tant que membre de CA, j'ai eu à décider
l'indemnités à donner à un président dont
nous nous séparions. Ce pouvait monter à deux ans de rémunération,
ce qui correspond à une somme importante, mais qui correspond
à l'importance de la rémunération de la personne
concernée. Cà correspond souvent aussi aux indemnités
données à un cadre dont une entreprise veut se séparer.
Nota : s'il est exact que certaines conventions collectives prévoient
des indemnités pouvant aller jusqu'à 2 ans de salaire,
ce n'est pas le cas général, et dans tous les cas, (sauf
transaction particulière), liées à l'ancienneté
dans l'entreprise, ce qui dans le cas des " golden parachutes "
n'est pas le cas.
Q : Il y a des entreprises
où l'on peut observer une gestion à court terme, et celles
à 5 ou 10 ans. Y a t il un type de management qui réussit
mieux que l'autre, et chez les grands investisseurs, ce fait est il
pris en compte?
R : Des études actuelles
essaient de prendre le phénomène en compte. D'ailleurs,
on voit aujourd'hui un retour en force des entreprises familiales, qui
ont justement cette caractéristique commune de viser la durée.
Ce management sur la durée est aussi favorisé en n'autorisant
pas la levée des stock options rapidement.
En ce qui concerne les fonds d'investissements, ils sont classés
en catégories :
- ceux qui font de la spéculation à court ou à
très court terme (les "edge funds" jouent parfois sur
la journée, sur des rumeurs, plus ou moins étayées,
plus ou moins artificielles ),
- les fonds qui jouent à 18 mois. Les analystes dont les études
sont publiques, se font payer comme "brokers", rémunérés
par ceux qui font tourner leurs portefeuilles, et ont donc intérêt
à la fluctuation des cours.
- Les fonds dits "deep value", qui ont des analystes payés
par les fonds, qui analysent les fondamentaux des entreprises. Seuls
des fonds importants peuvent se le permettre. Ce sont ces fonds qui
dialoguent avec les directions. Je passe avec mon directeur financier
des journées entières plusieurs fois par an avec ces analystes.
Ces fonds ont une vision à moyen & long terme, et maintiennent
leurs investissements sur des durées de 5 à 6 ans,.
Q : Dans une récente
interview, vous avez dit que le marché n'a pas toujours raison
à court terme. On entend dire que la présentation trimestrielle
de résultats fausse l'appréhension de l'évolution
de l'entreprise, et que des rendements de 15% demandés sont totalement
exagérés. Cette approche nous a été plus
ou moins imposée par les normes et coutumes venant des USA dans
l'intérêt de spéculateurs. Quelle attitude doit
on prendre en Europe et quelles mesures peut on envisager pour évoluer
vers une plus grande prise en compte du long terme?
R : Je suis administrateur du Conseil
de surveillance du fonds des retraites, qui va avoir à investir
18 milliards d'Euros, qui justement a été créé
pour que l'on n'investisse pas à court terme.
Si cette vision est aussi celle de nombreux patrons de grandes entreprises,
elle n'est pas forcément partagée au niveau des grandes
institutions financières, dont les revenus dépendent aussi
de la volatilité boursière.
Il y a débat en Europe. C'est le débat entre les deux
commissaires Buttenstein et Lamy. J'ai convaincu au denier moment un
député Français au parlement européen de
voter contre la directive sur les OPA, ce qui a permis au projet de
ne pas passer à une voix près. Je me suis exprimé
récemment devant 40 sénateurs sur le sujet. L'ouvrage
" La puissance de l'argent " d'André Orléans
(ed Odile Jacob) fait une analyse précise et claire pour laquelle
les marchés financiers sont moutonniers et fluctuants, et par
conséquent ne représentent pas la valeur de l'entreprise.
Q : Le rapport "Bouton"
parle d'administrateur indépendant, mais nulle part dans ce rapport
il n'est question des salariés, et encore moins des administrateurs
salariés ?
Je suis administrateur salarié de mon entreprise et je puis témoigner
du fait que vivant dans l'entreprise, cela permet d'aborder au CA des
problèmes importants qui auraient été ignorés
des autres administrateurs, et de participer ainsi à une meilleure
gestion de l'entreprise.
R : Tout d'abord, il est étonnant
de voir que les administrateurs salariés soient considérés
comme non indépendants, car dans de nombreux cas, cela nous oblige
pour atteindre le quota de 50% à augmenter le nombre d'administrateurs.
J'ai toujours été très étonné par
le fait que les actionnaires salariés de la Société
Générale, alors qu'ils avaient eu un rôle essentiel
dans la conservation de l'indépendance de leur entreprise, n'aient
pas eu pendant longtemps de représentant au conseil d'administration.
Le salarié qui devient administrateur salarié accepte
une responsabilité qui est autre que celle du délégué
syndical. Il accepte avec sa fonction une confidentialité et
une solidarité d'une autre nature que la fonction syndicale.
On le vérifie généralement dans les CA du secteur
privé. Ce n'est hélas pas toujours le cas dans les entreprises
du secteur public.
Q : Y a t il une définition
précise de l'administrateur indépendant ?
R : Le rapport Bouton donne une
définition très précise de l'administrateur indépendant,
beaucoup plus sévère que dans les autres pays. Le CA doit
pouvoir en rendre compte dans les AG.
Q : Pour les actionnaires
salariés de la Société Générale,
le fait d'avoir été fidèle à leur président
dans des moments difficiles (en particulier lors des OPA hostiles) n'empêche
pas, une fois les évènements passés, de faire connaître
au Président critiques et suggestions pour la conduite de l'entreprise
et son expansion, en particulier dans le cadre de la banque de détail.
R : J'ai toujours soutenu le développement
de la banque de détail (Je suis administrateur à la BNP
et j'ai tous mes comptes personnels à la S G ). Je pense personnellement
que la SG a le choix, si elle en prend l'initiative, de trouver son
ou ses partenaires, dans le cadre d'un développement international.
Mais elle n'a pas le choix de rester telle qu'elle est actuellement.
J'approuve personnellement qu'elle ne mette pas toutes ses ressources
dans le développement dans la banque d'investissement et de financement.
La banque de l'avenir sera diversifiée, avec une assise essentielle
sur la banque de détail. Ce sera la grande chance de l'union
entre le Crédit Lyonnais et le Crédit Agricole.
Q : Chez NCR, nous
vivons notre Nième plan social, avec la délocalisation
en Inde de toute l'informatique interne. Un syndicaliste se doit de
s'interroger sur le fait de créer du chômage en France
pour donner du travail dans des pays sans protection sociale, avec des
salaires de misère. Que doit en penser un chef d'entreprise Français
?
R : On ne peut pas demander à
un chef d'entreprise de réformer la législation d'un pays.
On peut par contre lui demander de se comporter au mieux. Nous avons
eu un plan de restructuration important à faire en Pologne ;
nous nous sommes occupés du reclassement des ouvriers licenciés,
et de donner des sommes pour attirer des entreprises sur place. On ne
peut pas changer les législations existantes. Le niveau de vie
polonais ne se développera qu'avec une part d'investissement
étranger.
Q : Mais cette délocalisation
crée du chômage en France ?
R : Oui, sauf si nous faisons un
développement chez nous qui nous permet d'être encore plus
dynamique. L'effort de recherche et développement en France n'est
hélas plus ce qu'il a été dans le passé.
C'est grâce au volontarisme d'Etat que nous avons actuellement
des industries qui tournent autour d'Airbus, Ariane etc
et qui
induisent de nombreux emplois. Les politiques ont abandonné les
grands programmes, qui ont engendré l'essor technologique du
futur. C'est inquiétant. Aucun projet n'a pris le relais de ceux
lancés sous le Général de Gaulle, Pompidou et Giscard
d'Estaing. Le programme européen est un émiettement sans
priorité. Le temps est compté. On n'en est plus à
la délocalisation des usines, mais à la délocalisation
du tertiaire, qui a été jusqu'ici la source de développement
des emplois.
Q : N'est ce pas parce
que nos politiques favorisent les dépenses de fonctionnement
sur les dépenses d'investissement ?
R : La vérité, c'est
que la partie la plus âgée de la population est en train
de prendre politiquement le pas dans les votes sur la partie jeune,
et que nous sommes en train d'arbitrer contre nos jeunes et contre la
partie dynamique, et que nous commencions à voir sur un plan
structurel l'effet de notre vieillissement démographique. Nous
avons des responsabilités à cet égard.
Q : Comment est organisé
votre groupe?
R : Nous sommes organisés
par branches qui ont le pas sur les pays. Il y a une organisation par
pays (9 délégations) qui reproduisent en gros les fonctions
de la compagnie elle-même. Ils coordonnent la finance, les relations
sociales et en particulier de l'encadrement suivi des carrières
et soin apporté au retour des cadres expatriés, et des
relations avec les pouvoirs politiques locaux.
Mais, c'est l'homme du métier (de la branche) qui propose et
met en uvre la stratégie, décide des investissements,
propose des acquisitions
La Compagnie fait un arbitrage général, et est très
impliquée dans le choix des dirigeants et des cadres les plus
importants. Un des temps forts est la présentation des plans
à 3 et 5 ans. La compagnie n'intervient dans les décisions
que pour des investissements supérieurs à 30 ou 40 million
d'Euros.
Pour l'innovation, nous avons un GIE recherche, qui a
une vision globale de notre programme de recherche. Il finance la recherche
au sein du groupe à partir de la contribution des branches, fixée
par la direction générale, en fonction des facultés
contributives de chaque branche. Les programmes de recherche des branches
sont mis en concurrence sur le long terme, la direction générale
en est seulement informée, sauf pour les programmes de très
grand enjeu (marché potentiel supérieur à 10 millions
d'Euros) pour lesquels elle est directement impliquée.