Intervention de Philippe Jaeger
Issu de l'éclatement du groupe Rhône Poulenc,
le groupe Rhodia représente 10.000 personnes en France, 22 sites,
26.000 salariés dans le monde, près de 7 milliards d'€
de CA, et une action qui baisse de manière récurrente
depuis sa mise sur le marché en 2000. 5% du capital de RHODIA
est dans les mains des salariés. 25% sont encore détenus
par AVENTIS, qui a obligation de s'en dessaisir avant mai 2003. Il en
résulte un inquiétude légitime concernant l'avenir
du groupe et de ses salariés.
Développement
durable :
Le concept, qui est maintenant très
à la mode. date des années 80 : "Nous
n'héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons
à nos enfants."
Une définition a été
donnée en 1987 par l'ONU : "Ce
sont des liens qui unissent l'économie et la société,
ou il est question des besoins qui satisfassent les besoins des générations
présentes sans compromettre pour les générations
futures la satisfaction des leurs"
Nota : la définition
est très générale et peut s'appliquer à
toutes les activités humaines.
La définition "américaine" du "sustainable
development" est plutôt axée sur son application
aux entreprises et sur la possibilité de développement
de celles-ci plus que sur les considérations sociales ou économiques.
Le développement durable de toute
activité humaine s'appuie sur 3 notions
inséparables, et en particulier dans le cas des entreprises
:
- l'économie
(la pérennité d'une activité ne peut être
assurée sans rentabilité économique). Ce point
est essentiellement l'affaire du management et des financiers, mais
concerne aussi directement les salariés actionnaires,
- Le volet social : relations avec
les hommes qui participent à l'activité ; en l'occurrence
les salariés de l'entreprise, et par conséquence la pérennité
de leur statut de salarié lié à celle de l'entreprise.
- l'environnement, dans son sens
le plus large incluant l'environnement physique et social externe à
l'entreprise, c'est à dire tout le milieu dans lequel évolue
l'entreprise.
Les fonds éthiques
:
Le concept est né dans les années 20 aux USA, quand des
"congrégations religieuses" ont voulu placer leur argent
en tenant compte de leurs
critères "moraux". ne
désiraient pas investir dans "les sociétés
du péché" (sin stocks) : par exemple, armement, jeux,
tabac, alcool (on est en pleine période de la prohibition). C'était
la première génération des "fonds éthiques".
Toujours aux USA, dans les années 60, ces critères se
sont élargis vers les lieux de production, en introduisant les
concepts de "droits de l'homme",
des conditions de travail, ou politiques (par exemple exclusion des
sociétés d'Afrique du Sud ou en Irlande du Nord). Les
critères sont exclusivement des critères d'exclusion.
A noter le comité intersyndical de l'épargne
salariale, qui a établi une liste de critères et labellisé
7 fonds qui y répondent à ce jour.
Agences
de notation "ETHIQUES" :
Dans les années 90, on voit une évolution vers des critères
de sélection et la mise en place de notations. Des agences se
spécialisent dans ce travail, et établissent des systèmes
et des barèmes de notation pour les entreprises.
En France, ARESE a été précurseur, sous la direction
de Geneviève FERRONE, avec la bénédiction de la
Caisse des Dépôts et des Caisses d'Epargne, les entreprises
étaient notées, les revenus de l'agence étant assurés
par la revente aux institutionnels des résultats de ces notations.
L'année dernière, ARESE a fait l'objet d'une OPA hostile,
parrainée par la Caisse des Dépôts et Consignations,
afin de recaser Mme Notat ; Mme Ferrone s'est retrouvée débarquée
et a depuis créé sa propre agence. La nouvelle agence
de Mme Notat, (VIGEO) se veut européenne,
et a pris pour principe de se faire financer par les entreprises qu'elle
cote, (ce qui est sans aucun doute un critère sérieux
d'indépendance).
Depuis quelques temps, les entreprises sont soumises à un flot
de différents cabinets de toute natures, concernant des évaluations.
Les entreprises ont des fichiers à remplir, et très souvent
n'ont pas les moyens d'y répondre.
L'officine de Mme Notat propose que deux consultants passent 30 jours
dans l'entreprise, pour dresser un tableau " exhaustif " des
critères sociaux et environnementaux concernant l'entreprise.
ORSE : (Organisme de la Responsabilité
Sociale des Entreprises) Cet organisme dont la plupart des confédérations
syndicales sont membres, travaille également sur ce sujet et
a déjà rassemblé une importante documentation sur
les entreprises. Celle-ci est à votre disposition. Le site internet
est www.orse.org . Le secrétaire général en est
Claude Cambus et le délégué général
François Fatoux. Si votre entreprise n'adhère pas encore,
incitez votre direction à le faire.
Les critères
de notation :
ARESE prenait en compte 300 critères pour procéder à
la notation des entreprises, et avant sa disparition, avait procédé
à la notation des 100 premières capitalisations boursières
françaises.
Ces critères étaient répartis
sur 5 axes :
- ressources humaines
- environnement
- relations client - fournisseur
- relations avec les actionnaires
- relations avec la société civile.
Ces notations sont pondérées
branche par branche, et pour chaque branche, l'entreprise est positionnée
par rapport au meilleur, au médium et au moins bon.
Le choix de l'interlocuteur qui répond aux questions est évidemment
primordial, c'est pourquoi ARESE ne contactait pas seulement les direction
des entreprises, mais aussi des syndicalistes, des ONG etc
C'est un schéma analogue qui est repris par l'officine dirigée
par Mme Notat, avec la différence qu'elle est financée
directement par l'entreprise cotée. (elle propose également
des prestations de consultant afin d'améliorer la notation
)
Dans le cas des cabinets anglo-saxons, on ne peut exclure le règne
d'un certain chauvinisme, et l'apparition de critères dont le
choix n'a d'autres but que d'exclure les entreprises qui sortent de
leur zone propre.
Certaines agences de notation incluent également au niveau des
ressources humaines l'existence d'associations
d'actionnaires salariés et leur représentation
aux conseils d'administration. (ce qui fait mieux comprendre le fait
que certaines directions sont plutôt favorable à la création
de telles associations, tout en déniant toute possibilité
de représentation de celles-ci au niveau des AG). Si Rhône-Poulenc
avait des administrateurs salariés au CA, (suite à la
nationalisation) ce n'est plus le cas à RHODIA, le PDG y étant
opposé, sous prétexte de l'envergure internationale du
groupe
Il a tout de même nommé un actionnaire salarié
Brésilien (qui a un poste de direction générale
d'une filiale dans ce pays)
Il devient aussi à la mode pour les entreprises
de faire éditer des plaquettes vantant leur attachement à
l'environnement et au "développement durable".
(Rhodia, Solvay, Total
) mais le plus souvent pour essayer d'effacer
un lourd passé pollueur, fruit de négligences ou de critères
de rentabilité immédiate, mais aussi hérité
souvent de décennies d'activités industrielles polluantes
remontant pour certaines jusqu'aux débuts de la révolution
industrielle.
La remise en état d'anciens sites industriels est généralement
un travail long (qui peut durer des dizaines d'années par exemple
pour dépolluer une nappe phréatique) et coûteux,
parfois missions impossibles, en particulier pour des anciens sites
industriels dont les activités ont été abandonnées
depuis longtemps, à des périodes ou les préoccupations
écologiques actuelles n'étaient pas de mise.
L'aspect médiatique peut aussi avoir
des effets pervers : on site le cas de NESTLE, qui avait été
très critiqué dans les années 60 pour sa campagne
de vente de lait en poudre pour les bébés africains, et
qui avait oublié que l'eau disponible dans ces pays avait entraîné
de graves conséquences sur la santé des nourrissons. Aujourd'hui,
avec le développement des cas de SIDA, le retour du lait en poudre
permettrai de sauver bien des enfants, à condition de prendre
le minimum de précaution avec l'eau. NESTLE pourrait reprendre
sa campagne , mais compte tenu du passé, attend que des ONG lui
demande.