RENCONTRE DU 3 OCTOBRE 2002
Invités :M. René Ruols et Mme Hélène Valade

René Ruols est Président fondateur de RDS (Réalité du Dialogue Social)

Mme Hélène Valade est Directrice du Département Opinion Publique de l'IFOP

 


Intervention de M. RENE RUOLS

C'est à l'occasion de mon départ en retraite, il y bientôt 12 ans, qu'avec l'aide de TOM KEMP que j'ai lancé cette idée de faire le point de la réalité du dialogue social dans les entreprises, en organisant des rencontres et des débats entre des syndicalistes de toutes les organisations syndicales, des DRH, et des experts (des économistes, des juristes, des sociologues des enseignants, et maintenant des consultants.).

A quoi cela peut aboutir : à ce que les participants apprennent à se connaître, qu'ils apprennent à discuter entre eux, qu'ils apprennent à dégager quelques points de rencontre sur les grands dossiers sociaux de l'époque, sur le fonctionnement du dialogue social, et sur l'état des relations professionnelles et des relations sociales..

Comme toute organisation, les débuts ont été laborieux, mais maintenant, nous pouvons dire que l'association qui en est résultée est bien rôdée, et réunit régulièrement ….

Au tout début, la CGC et la CFDT ont été les premières organisations syndicales à y venir, la CGT est venue plus tard. Les premières entreprises à participer ont été la RATP, Rhone Poulenc et EDF.
Progressivement, cette idée de rencontre a fait son chemin, et l'association a été créée.
Aujourd'hui, RDS regroupe 80 entreprises adhérentes, les 5 syndicats confédérés plus l'UNSA; plusieurs experts, et depuis peu, quelques grands cabinets de consultants. L'administration y est également présente, notamment la DRT qui nous délègue des chargés de mission, l'AFPA, de l'ANPE, mais aussi le cabinet du ministère des affaires sociales. Nous avons également la participation de la section travail du Conseil Economique et Social, et de parlementaires.
Les participations aux réunions varient en fonction des cas et surtout des disponibilités de chacun.

Nous avons des partenariats suivis avec Entreprise et Personnel, avec le C J D (Centre des Jeunes Dirigeants), et des laboratoires tels que l'IRES, le LIR de Toulouse et plus récement le LENTIC à Liège, qui a une mission pour le compte de la Communauté Européenne, d'étude du fonctionnement du dialogue social sur plusieurs pays européens, l'Agence pour l'Amélioration des Conditions de Travail & de Vie de Dublin.

Nous essayons de remettre en débat les grands chantiers de la "refondation sociale", et depuis quelques années, nos groupes de travail produisent des rapports.

Ces groupes de travail se réunissent en petits déjeuners, en déjeuners, en dîners, mais aussi en matinées et en journées de travail complètes. Ils réunissent jusqu'à 50 à 100 participants. Ils sont fréquentés pratiquement par toutes les grandes entreprises, y compris certaines qui ne sont pas adhérentes.
Les débats portent sur des thèmes variés, qui ne donnent pas tous lieu à approfondissement, compte tenu des limites de nos moyens.
Nous avons en décembre 2001 par exemple traité de la modernisation des relations sociales par la médiation préventive : une évolution est elle possible dans notre pays, fortement marqué par la culture de la conflictualité et l'idéologie de lutte de classe ? On voit cependant se développer des méthodes de concertation.
Le 14 janvier 2002, au C E S, en présence de parlementaires de la majorité et de l'opposition, nous avons mis en discussion les voies et les moyens de la négociation collective, les questions de légitimité et de représentativité de tous les acteurs, et de l'avenir du paritarisme (ce dernier sujet étant actuellement l'objet d'études plus détaillées).
Nous avons également eu en janvier, avec la directrice d'ADECCO, une séance de réflexion sur les nouvelles technologies et leurs incidences sur le management.
En mars, avec le BIPE, nous avons examiné l'évolution prospective du marché du travail dans le contexte du papy-boom, et leurs implication sur le dialogue social.
En avril, une soirée exceptionnelle débattait de l'avenir du dialogue social, avec Elisabeth Guigou, Jacques Barrot, Raymond Soubie, Bernard Brunhes, et Hélène Valade qui a présenté ses travaux.
En avril, une matinée a été consacrée aux professionnels autonomes, avec lesquels se dessine un autre rapport à l'emploi (développement du p^hénomène des "free-lances".
Nous avons également jeté les bases d'un groupe de travail sur l'avenir du paritarisme, ses fondements, son influence sur la gestion et le management; son incidence sur le dialogue social et la négociation, avec Catherine Vincent , chercheur à l'IRES.
Avant les congés, nous avons débattu avec Denis Kessler, des propositions du MEDEF sur la Sécurité Sociale et plus généralement sur leurs propositions de "refondations sociale" (ce qui ne fut pas facile..)

Nous vous convions aussi à nos prochaines rencontres, auxquelles (sur simple demande), vous pourrez participer gratuitement (la plupart de vos entreprises sont adhérentes).
Nous souhaiterions d'ailleurs que plus de syndicalistes d'entreprise nous rejoignent et viennent à nos réunions ; mais ils en sont probablement empêchés par leur charge de travail .
Tout récement, nous avons étudié le rapport de Patrick Viveret : "Reconsidérer la richesse", dans lmequel il examine les critères de la productivité de l'économie sociale.

Le 17 octobre, nous aborderons le sujet de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises et de l'influence et la crédibilité de la notation sociale.

Le 22 Octobre, nous organisons une rencontre de DRH sur les problèmes d'accords majoritaires et de représentativité.

Une rencontre est également prévue sur l'Europe syndicale, avec l'IRES,

En décembre une séance est prévue concernant les phénomènes de violence.

RDS n'est ni décideur ni négociateur, mais permet un dialogue entre des acteurs sociaux, en dehors de leurs lieux habituels de confrontation, et espère ainsi permettre d'ouvrir des horizons nouveaux dans la négociation.

Ce ne sont que des exemples de nos actions, mais de plus , nous repérons dans ces débats des points qui seront approfondis par des groupes de travail, qui produisent des rapports présentés ensuite aux décideurs, aux représentations syndicales, et aux pouvoirs publics.

Nous avons actuellement 3 groupes de travail :
- L'avenir du dialogue social (qui fonctionne depuis déjà 6 mois, et qui avance dans ses réflexions).
- L'avenir du paritarisme.
- Les nouvelles formes de négociation, en particulier sur les nouvelles formes de paritarismes naissantes au niveau des bassins d'emploi.

Nous montons également pour décembre un "forum parlementaire" à l'assemblée nationale, qui réunira des parlementaires, des syndicalistes et des responsables d'entreprises, car nous pensons qu'un dialogue durable doit s'établir entre ces trois composants de notre société. Bien sûr, il est très difficile de pouvoir organiser de telles réunions, compte tenu des emplois du temps très chargé de chacun.
Nous avons un comité d'orientation dont Jean Pierre Chaffin est vice-président et le trésorier est le DSC CFE-CGC de la SNECMA.

 

Intervention de Mme HELENE VALLADE

 

L'INSEE a réalisé début 2002 une étude à la demande de RDS :
"Quel avenir pour le dialogue social, à travers les perception de ses principaux acteurs, salariés, représentants du personnels et DRH."

Des représentants de ces trois entités ont été interrogés.
La première constatation a été la surprise de constater que pour la majorité des salariés, le dialogue social n'allait pas de soi, et que les concepts qu'ils en avaient étaient assez hétérogènes.

Nous avons commencé par des entretiens qualitatifs, que nous avons ensuite quantifiés à l'aide de trois sondages ciblés.

Nous avons essayé de connaître l'état d'esprit des salariés, interrogés dans des entreprises de 10 salariés et plus, couvrant donc les petites et moyennes entreprises. La première conclusion que l'on a tiré (en Janvier 2002) était une grande satisfaction de ces salariés à l'égard de leur situation professionnelle, avec le sentiment (peut être avec les 35 heures) d'avoir gagné en autonomie, mais aussi d'avoir de bonnes relations avec les collègues de travail et les supérieurs hiérarchiques, l'organisation du travail, et une sécurité de l'emploi.
Par contre, on voyait pointer un certain nombre de préoccupation de ces mêmes salariés sur la reconnaissance du travail (pas seulement financière - on ne nous dit jamais "merci"- ), un certain manque de clarté (surtout pour les employés) quant à leurs objectifs et leur perspectives professionnelles.

Comment les salariés définissent le dialogue social :
- la définition traditionnelle (majoritaire) du dialogue entre représentants du personnel, syndicats et la direction
- Pour près de 40%, ce dialogue prend un sens plus direct entre la direction et les salariés. Cette opinion rejoint la constatation que la tendance est d'essayer de résoudre les problèmes en s'adressant d'abord à la hiérarchie directe (N + 1).

Il se dessine une attente plus importante des syndicats et des représentants du personnel, mais aussi d'un élargissement du champ des sujets abordés en négociation, au delà des thèmes classiques des salaires et de la formation professionnelle, par exemple sur les pratiques de management, de la vie quotidienne de l'entreprise.
Le point de vue constaté chez les représentants du personnel était relativement proche, signe d'une bonne connaissance des aspirations des salariés par leurs représentants.

Du coté DRH, la définition est plus ambiguë. Ils hésitent entre la définition tripartite classique et celle d'un dialogue entre la direction et les salariés (avis de 46% des DRH interrogés). Pour eux, il leur semble que le dialogue social pratiqué dans leur entreprise s'est amélioré au cours des dernières années et reconnaissent que le principal moteur de la négociation collective était perçu par eux comme légitime et efficace. Leur critique portait plus sur l'aspect procédurier des négociations, facteurs de perte de temps important.

De l'enquête auprès des DRH, il ressort ,que :
- Le lieu privilégié de la négociation doit être dans l'ordre l'entreprise, le bassin d'emploi, puis la branche.
- Aux acteurs actuels du dialogue social devraient se joindre les actionnaires et le municipalités.
- Une demande d'accroître (en particulier dans les grandes entreprises) la représentativité des partenaires sociaux (45% seraient favorable à la révision de la désignation des délégués syndicaux).
- Ils se montrent également favorable à l'extension du domaine des négociations, à la formation, la vie quotidienne dans l'entreprise, l'égalité hommes-femmes, l'épargne salariale, les retraites, et dans une moindre mesure à des discussion sur la stratégie de l'entreprise et les pratiques de management.
On peut conclure à un véritable ancrage de la réalité du dialogue social dans l'entreprise, souvent mis en relation par les salariés avec les 35 heures (un certain nombre de choses ont été révélées à l'occasion de la négociation des 35 heures).
L'enquête a également révélé l'appétence des petites entreprises pour le dialogue social, à condition que ce dialogue se présente dans un cadre renouvelé, à la fois dans l'entreprise, mais aussi au sein du bassin d'emploi.
Elle a également mis en évidence l'attente des DRH qui attendent une meilleure représentativité des syndicats, et se montrent prêts à étendre la discussion à d'autres sujets de négociation.
Il est probable que concernant l'état d'esprit des salariés, les circonstances actuelles ont probablement un peu évolué depuis.

 

QUESTIONS DES PARTICIPANTS :

Q : Vous réussissez à réunir des personnes éminentes, des directions d'entreprises, des politiques, et de nos dirigeants syndicaux, qui par définition sont souvent très loin de "la base". Ne serait il pas possible de faire intervenir parmi vous des salariés "de la base". D'autre part, le dialogue social n'a-t-il pas aussi sa part au niveau des conseils d'administrations (en particulier avec ceux qui y représentent les salariés ou les actionnaires salariés lorsqu'il y en a ) ?
R : Bien au contraire, notre objectif a été de créer un mouvement militant, qui apprenne aux différents partenaires à se connaître, à se comprendre et pourquoi pas à s'apprécier hors de leur cadre habituel, libérés des problèmes de conflits et de négociations, et finalement militent en faveur du dialogue social. Mais il est vrai que certaines entreprises nous connaissent très bien, mais ne veulent pas venir. Si tout allait bien,; notre mouvement n'aurait pas de raison d'exister. Si des militants d'entreprises sont plutôt rares à nos réunions, nous ne pouvons que le déplorer, car le dialogue ne pourrait que s'enrichir par leur présence. Peut-être par manque d'information, par manque de temps de leur part ou par un blocage du fait de leur hiérarchie syndicale ou de la lourdeur de leurs structures ?

Q : N'est il pas contradictoire de constater que les salariés sont satisfait de leur situation, et qu'ils se plaignent également de ne pas avoir de vision d'avenir ?
R : La question portait sur la satisfaction par rapport à la situation actuelle. Le sentiment de manque de reconnaissance du travail, de l'accroissement de la charge de travail perçu comme un effet pervers des 35 heures, et le manque de vision d'avenir ne venait qu'en second plan après approfondissement de la réflexion.

Q : Vous nous dites que les DRH voudraient avoir une meilleure représentativité des syndicats. Ne serait ce pas à l'entreprise de faire en sorte que leurs interlocuteurs aient une meilleure représentativité ? Actuellement il est difficile d'être syndicaliste dans une entreprise et de prendre ce type de mandat, car dans de trop nombreuses entreprises, les syndicalistes sont empêchés de faire normalement leur travail de syndicaliste, ce qui incite peu nos collègues à nous rejoindre.
R :
Il est exact que l'on voit encore des DS mis dans des placards, mais il y a aussi des DS en particulier dans certaines grandes entreprises, qui ont toute possibilités matérielles pour bien remplir leur mission. Les DRH mettent souvent en évidence l'aspect procédurier des syndicats, aux effets négatifs, mais aussi le fait qu'ils soient de plus en plus coupés de leur base. C'est pour répondre à cet état de fait qu'ils mettent en place des stratégies de contournement par l'établissement de dialogues directs avec les représentants en dehors des réunions statutaires, et si ce dialogue ne se passe pas bien, usage de référendum direct auprès des salariés.

Q : Chez CEGETEL, un accord sur les règles du dialogue social a été négocié et signé. Pourquoi aucune entreprise de télécom n'adhère à votre association ?
R : C'est un concours de circonstance ou de personne (départ d'un DRH par exemple) qui a fait que telle entreprise est adhérente (France Télécom est adhérente)

Q : Dans les instances représentatives, les désignations ne tiennent pas toujours compte de la véritable représentativité des personnes, et sont faites par des systèmes parfois un peu déphasés par rapport aux salariés à représenter. On constate parfois que malgré les apparences d'un bon dialogue social, étayé par des négociations aboutissant à des accords, il arrive fréquemment qu'au niveau de l'application de ces accords, la réalité devienne toute autre, et que toute une stratégie de contournement des accords signés soit mise en application.
R : On rejoint le problème de la représentativité réelle des organisations syndicales.
Tout récemment, la Cour des Comptes a fait des propositions pour un financement différent pour les organisations syndicales. Il y a de grands débats en perspective sur le sujet (mais après les prud'homales).
Il y a aussi le problème de la reconnaissance sociale de l'activité réelle effectuée par des retraités qui se posera, en particulier au sein des associations.

Q : Il y a parfois loin entre la parole et la pratique dans certaines entreprises. On constate souvent des stratégies de contournement des directions vis à vis des syndicats et du personnel. Certaines directions choisissent "leurs interlocuteurs", et s'ils ne leur conviennent encore pas, ils essaient de contourner en s'adressant directement aux fédérations ou confédérations qui leur paraissent les plus "complaisantes" (on pourrait citer plusieurs exemples), et le dialogue social peut prendre alors la forme d'actions devant les tribunaux..
R :
Malheureusement dans bien des entreprises, il y a loin de la parole aux actes. C'est bien une raison pour persévérer dans notre action.

Q : A chaque renouvellement d'élection, il est très difficile de trouver des volontaires pour simplement se présenter, en particulier parmi les jeunes, qui ne savent même pas ce que c'est qu'un syndicat (ça ne fait souvent pas partie du cursus universitaire). La plupart ne considère souvent le CE que comme un gestionnaire des œuvres sociales, qui leur sont un dû et dont ils ne sont que consommateurs. Peu connaissent le travail de leurs représentants et délégués et l'importance qu'il représente dans la marche de l'entreprise. Au mieux, ils ne demandent d'adhérer que dans la perspective d'avoir un avocat bon marché en cas de problème immédiat
R : L'enquête a effectivement montré que les jeunes ne savent effectivement pas ce qu'est un syndicat. Il y a un monde entre ce qu'ils pensent que sont les syndicats et ce qu'ils sont réellement. Leur attente est effectivement très consumériste. Mais le problème de recrutement, en particulier de jeunes est un problème qui se pose pour tous et dans toutes les entreprises. Il y a quand même des pistes. Il faut aussi penser à porter le message au niveau des écoles et des facultés.
Dans certains cas, la désaffection vis à vis des syndicats peut provenir du fait que des salariés ont choisi une voix de "permanent syndical" pour masquer un échec de carrière professionnelle.

Q : Dans certaines entreprises, en particulier des filiales de groupes américains, le seul fait de faire du syndicalisme cadre équivaut à devenir" personna non grata".
R : Ce n'est pas un problème général.

Q : Une meilleure représentativité des salarié et le mode de désignation des délégués syndicaux seraient probablement deux sujets qui mériteraient d'être examinés. Les représentants des salariés doivent avoir la confiance des salariés, et non des "permanents à vie" qui risquent d'être plus tentés de défendre leur intéret personnel que ceux du personnel. Le système actuel ne permet pas toujours (même si elle le prévoit) la formation nécessaire pour remplir ces tâches. Dans le même registre, il serait souhaitable que lorsque c'est possible, les désignations des délégués syndicaux tiennent plus compte de la volonté des syndiqués de base dans les entreprises.
R :
Ce sujet fait bien sûr parti du champ des travaux que nous envisageaons

HB